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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction (Très approximatif) |
Analyste:
Gaëtan Naulleau Ottavio Dantone, qui aurait pu traverser L'Art de la fugue en solitaire, est partageur. Voir Reinhard Goebel (Archiv, Diapason d'or, 1984 !) et plus récemment Rachel Podger (Channel Classics, 2016) pénétrer cette jungle de contrepoint avec leurs archets n'était pas une surprise. Y trouver l'un de nos plus fins clavecinistes, seize ans après un Clavier bien tempéré de haute lignée (Arts), prêt à répartir les rôles est plus surprenant. Partageur, et surtout stratège : si Bach a selon toute probabilité conçu cette invraisemblable somme pour clavier, il n'a jamais pensé qu'on puisse aligner les quatorze contrepoints et quatre canons en concert (ni au disque). Un anachronisme devenu la norme, ou quasi. Dans ce contexte, le changement d'effectif n'est pas un luxe Pour stimuler l'oreille hyper sollicitée par le foisonnement de l'écriture. Dans le sillage de Goebel, qui invitait deux cIavecins pour certains contrepoints, Dantone en emploie un plus un orgue positif (ce qui règle le problème des quelques pages injouables à deux mains). Mais Dantone, à la différence de Goebel, en profite pour changer d'effectif au sein des numéros les plus développés pour mettre en évidence les articulations de la grande forme comme le ferait un organiste. Stratégie particulièrement efficace à la fin (inachevée) de l'ultime contrepoint : première section aux cordes, deuxième au clavecin, troisième aux cordes à nouveau, entre lesquelles le clavecin va finalement se frayer un chemin au moment où Bach s'apprête à combiner les trois sujets. L’ultime relance, ce grand geste interrompu (car la partition s'arrête là), y gagne une lisibilité rare. Entendons‑nous une version de studio ? Un concert amélioré ? Mystère dans le livret. La perfection des cordes semble balayer la question, que soulèvent néanmoins quelques pages où l'accord du clavecin aurait mérité des retouches. Notamment le Contrepoint VIII où, par ailleurs, Dantone n'est pas le plus inspiré. L’élan initial du IX, aux cordes, n'en sera que plus saisissant, quelle qualité de jeu collectif! Le dialogue est moins génialement... conflictuel que chez Goebel, mais d'une éloquence directe, et d'une réactivité qui assure en permanence la diversité du propos. Le motif de tierce qui infiltre partout le Contrepoint IV devient le ressort d'un « jeu » polyphonique agaçant et vivifiant. Le VII pose un autre sommet d'une interprétation sûre de ses moyens et de ses effets. Les canons seront particulièrement réussis, notamment celui in Hypodiapason, dont la course passe d'un instrument à l'autre avec une énergie impatiente. On pense à des joueurs pressés de rebattre les cartes et relancer la partie. Quelques réserves nous éloignent du Diapason d'or: une partie d'orgue plus solaire, où quelques notes superposées suffisent à époumoner un instrument souffreteux ; le vertigineux Contrepoint XI, dont les jeux d'accumulation et de chromatismes sont traduits sans trop de tension ; les pages où le violoncelle est un peu trop en retrait (à la faveur, certes, d'un altiste brillant). Serait‑ce inconsciemment, notre double vénération pour les coffrets de Goebel et Leonhardt (DHM, dont un Contrepoint XI stupéfiant) qui nous empêche de couronner un réalisation passionnante ? |
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