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Diapason # 666 (03/2018)
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DG 4797541   




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Analyste: Gaëtan Naulleau

C'est donc par les contre‑ténors que la « musique ancienne » a encore droit de cité chez les majors. Les exceptions sont de plus en plus rares, les exemples brillants. Dauphin de Schöll sous pavillon Decca, Cencic rend ses lettres de noblesse à Porpora (cf. p. 92) ; Fagioli, sous étiquette jaune, plastronne devant Rossini, Gluck, aujourd'hui Handel ; Jaroussky reste fidèle à Warner, où le jeune Orlinski le rejoint cette année. La relève risque peu de s'épuiser, vous le savez si vous avez épluché la galerie de dix‑sept portraits dans Diapason en janvier.

Mehdi Mahdavi notait, à juste titre, que « le doute n'est plus permis: par l'étendue, l'endurance, l'abattage, Franco Fagioli marque une étape décisive dans l'évolution de la technique des contre‑ténors », pour conclure « un seul dieu, un seul Fagioli ». Une religion qui compte aussi ses hérétiques. Dans ces colonnes, Denis Morrier, Sophie Roughoi, Jean‑Philippe Grosperrin ont précédé avec un certain nombre de bémols, parfois exaspérés, les réserves que nous inspire ce vaste parcours handélien, certes très impressionnant. Pour faire le tour du propriétaire (cave et combles), rendez‑vous à la cadence de « Crude furie » (Serse), à mi‑chemin entre « L'Ultima Recital » de Marianne James et l'historique « Ombra cara » de Russell Oberlin (Decca).

Partout, le rapport entre l'agilité du muscle vocal et la densité (sur toute la tessiture) d'un timbre cuivré, saisit l'oreille. Et l'amplification pénible du vibrato, qui a plombé en quelques saisons la plupart des falsettistes grisés par un chant aussi flamboyant, n'est pas d'actualité ‑ les micros ne pardonnent pas. Mais cette évolution, dont parlait Mehdi, doit‑elle fatalement s'accomplir au détriment du texte, des ressorts fins de la déclamation (qui s'agite plus souvent qu'elle n'oriente la phrase), de voyelles mal disciplinées dans une bouche plus pressée d'exhiber sa vocalise saturée de testostérone ?

L’exemple de Marilyn Horne vient vite à l'esprit. Oublions les prestos de parade, voyons plutôt le « Cara sposa » de Rinaldo: expression éparpillée avec le contre‑ténor argentin, forcé de surenchérir pour tenir le drame ; déploration viscérale mais concentrée, à chaque note, par la géniale Horne. « Scherza infida » trahit un chanteur s'écoutant désespérer avec une complaisance embarrassante. Du même Ariodante, « Dopo notte » pétille sur un terrain rythmique trop glissant, qui nous empêche d'entendre autre chose qu'une accumulation brillante. L’arrogance du virtuose laisse peu filtrer la joie qui submerge le héros ressuscité.

Le sommet de l'album vient avec le défilé acrobatique de « Sento brillar nel sen », faire‑valoir offert par Handel à Carestini lors d'une reprise du Pastor fido: flamboyant mais élégant (dans ce registre, entendons‑nous). Nous rendons les armes. Mais ce « Se in fiorito » de Giulio Cesare ! Est‑il bien nécessaire, dans un concours de fioritures avec un oiseau‑violon, de tant bomber son torse velu ? On s'en agace d'autant plus que Fagioli est capable, dans « Ombra mai fu), de contenir sa nature dans une arche somptueuse.
 


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