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Diapason # 665 (02/2018)
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Naïve
OP30560




Code-barres / Barcode : 3614978675824

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Analyste: Luca Dupont-Spirio

Les remous qui ont agité Naïve jusqu’à une date récente avaient pu faire craindre pour le sort de la « Vivaldi Edition » ; la voici relancée par la sortie d’une oeuvre ambitieuse, que sert une affiche de choix. Le rachat du label indépendant par Believe, géant de la distribution digitale, n’a donc pas ajourné la publication du fonds monumental conservé à la bibliothèque de Turin, fort des quatre cent cinquante oeuvres manuscrites que le compositeur gardait à sa mort.

« Melodramma eroico-pastorale » créé le 9 novembre 1726 au Teatro Sant’Angelo, Dorilla in Tempe entretient sur scène une atmosphère bucolique dont l’aristocratie vénitienne, rentrant de villégiature, vient de prendre congé. L’héroïne, princesse de Thessalie, vit clandestinement son amour avec le berger Elmiro jusqu’à ce que Nomio – en fait Apollon déguisé en berger – obtienne sa main en terrassant un monstre. Pour la première fois, le Prêtre roux offre un rôle à Anna Giro, alors âgée d’environ seize ans. L’élève dévouée, qui deviendra sa cantatrice fétiche et secrétaire particulière, incarne la nymphe Eudamia, éprise d’Elmiro et courtisée par un autre pastoureau, Filindo. L’intrigue chétive, qui s’achèvera sur le renoncement d’Apollon et la réunion des amants, est relevée par la beauté des airs et la fraîcheur champêtre des chœurs – le premier d’entre eux, prolongeant la fin de l’Ouverture, cite le Printemps des Quatre Saisons ! En 1734 – reprise dont provient l’unique partition conservée –, Vivaldi, moins soucieux de dramaturgie que de bel canto et de mode lyrique, emprunte huit airs sur vingt et un à Hasse, Leo, Giacomelli et Sarri, sacrifiant au goût napolitain des spectateurs.

De l’agrément, du charme, et un peu plus : c’est ce que partage la distribution menée, dans le rôle-titre, par la contralto Romina Basso. La ligne souple et agile, les séductions d’un timbre à la température changeante répondent à l’Elmiro fauve et ample de Serena Malfi, guère intimidée par les vocalises et les sauts de registre dans un air de bravoure comme « Non ha più pace » – page brillante jusqu’à l’ivresse, puisée chez Hasse. Roi, père et donc baryton, Christian Senn dépasse la facilité vocale et les clichés dramatiques ; son métal, ses accents dardés donnent à Admeto, jusque dans les récitatifs, une figure bien à lui. En Nomio, Marina De Liso saisit par la suavité de la couleur et la sûreté du trait – « Bel piacer », dont le cantabile caressant est l’oeuvre de Giacomelli. Le Filindo de Lucia Cirillo est plus fragile, et il faut appartenir aux fidèles de Sonia Prina pour apprécier l’emphase heurtée de « Al mio amore ».

Diego Fasolis dirige ses Barocchisti avec autant d’ardeur et de finesse que le superbe choeur de la Radio suisse italienne. Belle réussite, qui prend l’avantage sur la version pionnière de Gilles Bezzina et l’Ensemble Baroque de Nice (Pierre Verany, 1994).


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