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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction (Très approximatif) |
Analyste:
Gaëtan Naulleau Voyons d'abord le meilleur de l'album, cette messe de Valls qui a tant fait couler d'encre en 1702. Une soprano attaque « Miserere nobis » sur un la tandis que les autres voix peignent un accord de sol mineur : la dissonance non préparée par le maître de chapelle de la cathédrale de Barcelone est‑elle une aberration ? une licence expressive ? Au fil des mois, ce ne sont pas cinq ou six mais cinquante‑six compositeurs ou érudits qui se sont divisés sur ce point de théorie et sur les questionnements plus vastes qu'il amenait. L'effet du passage concerné est intact, mais peut‑être moins surprenant pour l'auditeur moderne qu'un Crucifixus exalté, en fanfare ! Valls, qui assombrit ensuite le tableau sur « Passus et sepultus es », revient à un motif brillant à trois temps sur « Et resurrexit ». Et souligne l'identité du sacrifice et du salut. Bach n'avait pas le monopole de l'exégèse en musique. Gustav Leonhardt gravait la Missai scala aretina en 1993 (DHM). Il déployait méticuleusement, avec une discipline rythmique parfois rigide, l'architecture à quatre choeurs , (chanteurs solistes, deux ensembles vocaux un peu plus fournis, un groupe de cordes et trompettes). Jordi Savall s'impose au contraire par un geste large et grandiose, en maître du trompe‑l'oeil baroque. Le sentiment d'une profusion en mouvement importe plus que l'intelligibilité de ses éléments. L'entrée du premier Kyrie est une merveille ‑ acclamation‑exténuation enchaînées, jusqu'à la modulation bizarrissime. Il ne se passe jamais bien longtemps avant le retour d'un forte brillant et profond, également coloré à l'orchestre et aux choeurs (sensationnels, quels progrès en quelques années!). L'opulence est un peu systématique (Descendit de caelis) mais jouissive. L'oreille s'y retrouve car Valls construit l'essentiel de sa partition sur des progressions harmoniques amples et régulières, et des motifs très lisibles. L'écriture extraordinairement touffue et variée que Desmarest dispense tout au long de sa messe monumentale appelle un oeil plus analytique, attentif à ne pas laisser les ingrédients s'amalgamer dans la plénitude générale. Malgré un orchestre plus modeste, Olivier Schneebeli et ses Pages y parvenaient dans l'enregistrement qui révélait l'oeuvre en 2000, et qui résonnait déjà sous les voûtes de la Chapelle royale (Virgin). Savall s'en inquiète moins. De l'allure, du souffle, de l'émotion, cela ne se discute pas, mais le tableau est bien flou. Certaines pages n'en pâtissent guère (comme le début du Gloria, avec ses acclamations extatiques et joueuses en alternance), d'autres s'y noient ‑ en toute logique, les tours de force contrapuntiques, notamment ceux de l'invraisemblable Credo. Ce n'est pas seulement le raffinement du détail qui disparaît, c'est aussi son potentiel expressif, ce sont les fines tensions qu'il génère (Qui sedes). La fin de l'oeuvre (Symphonie du Sanctus, Agnus Dei) a semble‑t‑il été préparée un peu vite pour ce live, qui pèche également par six solistes plus ou moins mal à l'aise dans ce répertoire (dont un contre‑ténor égaré dans une partie de haute‑contre). Une déception à la hauteur de nos attentes, mais un double album précieux pour son premier volet.
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