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Analyste:Philippe Ramin
Le
nom de Balbastre est familier aux organistes, qui en exécutent volontiers les
Noëls variés. L’ancien titulaire de Saint‑Roch et Notre‑Dame, où ses
apparitions attiraient les foules, a également composé pour le clavecin des
pages infiniment séduisantes, qui empruntent à Rameau une conception orchestrale
du clavier et un goût du chant très développé. Le premier (et unique) Livre
de clavecin parait en 1759 : l'auteur a depuis dix ans conquis son public,
et su s'attirer les faveurs d'une aristocratie friande de musique à l'accès
facile. Les dix‑sept pièces s'inscrivent parfois dans le sillage de la Suite de
danses (gavottes et gigues) mais doivent davantage au genre du portrait, cher à
Couperin. Très idiomatiques de l'art du clavier, elles laissent deviner que
Balbastre fut aussi l'habile transcripteur de l'Ouverture de Pygmalion de
Rameau.
Christophe Rousset
retrouve le Goujon‑Swanen du Musée de la musique, mieux enregistré qu'en 2007
pour son album Royer. Il aborde justement la musique de Balbastre avec
l'expérience de l'orchestre qu'on lui connaît, et organise de main de maître
l'esprit et la structure de ces oeuvres d'apparence légère. Les ariettes et les
musettes charmantes seront jouées avec sérieux; ici, pas de concession au sucré,
dans une tension rythmique où triomphent une Genty vaporeuse et une
Bellaud à la précipitation irrésistible.
Les pièces de « grande exécution » sont fièrement stylisées. Le «noblement» de
La D'Héricourt teinté de désespoir ne manque pas de majesté, ni La De
Caze d'âpreté. Le claveciniste semble vouloir se débarrasser des clichés
souvent associés à cette période du clavecin, et rejoint d'une certaine manière
l'approche de Leonhardt dans ce répertoire (DHM 1981). Une sonate avec
accompagnement de violon, restée manuscrite, complète l'album. On y admire la
diction impeccable de Gilone Gaubert‑Jacques, fidèle partenaire des Talens
Lyriques, dans un genre délicat illustré par Duphly, Mondonville et Corrette.
Cette lecture des
pièces de clavecin, pleine d'urgence et de gravité, refuse toute séduction
facile et pose des questions importantes sur le style et l'expressivité de ce
répertoire. Pour une vision plus classique on se tournera vers Sophie Yates
(Chaconne 2011) et vers le discours très prenant de Korneel Bernolet (Aliud
2012).
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