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Diapason # 629 (11/2014)
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Appréciation d'ensemble: Haugsand:   Esfahani:

Analyste: Philippe Ramin
 

Les clavecinistes ne manquent pas, la jeune génération abonde en talents singuliers, et pourtant ces deux intégrales sont leurs premiers tributs aux trois Livres que Rameau leur offrait ‑ hormis les merveilleuses Pièces en concerts par Julien Wolfs et consorts (Diapason d'or, cf no 627). L’un nous arrive de Norvège, Ketil Haugsand s'aventurant dans des pages où on ne l'attendait pas forcément. L’autre de Londres, où s'est établi le jeune virtuose iranien Mahan Esfahani, fort caractère salué il y a quelques mois dans un programme Carl Philipp Emanuel Bach (Diapason d'or, cf. no 624) et accueilli tout récemment dans l'écurie d'Universal.

La fréquentation des opéras donne de nombreuses clefs interprétatives pour ce répertoire, mais Ketil Haugsand n'y semble guère sensible en privilégiant la recherche d'effets nouveaux. Tout à sa quête de l'originalité, il laisse peu apparaître le compositeur improvisateur. C'est dans les pièces brillantes et volubiles qu'il convainc, où il ne lui reste guère d'espace à colorer (Les Niais de Sologne). Les pièces riches en ornements rapides lui posent en revanche quelques problèmes de mise en place (La Poule, La Triomphante).

La première Suite prend du temps pour trouver ses marques, mais la deuxième allemande est très réussie ainsi que la sarabande. A partir de la Suite en mi, les articulations voyantes et le caractère exagérément sautillant des danses agacent franchement (courante, deuxième gigue en rondeau, menuets de Castor taillés à la serpe). Bizarrement, Ketil Haugsand fait un sort mélodique à des formules harmoniques typiquement orchestrales, déforme rythmiquement certains topiques (Le Rappel des oiseaux) ou se livre à d'étranges inégalités de tempo (rigaudons). De manière générale, la narration ne s'appuie pas beaucoup sur l'écriture de Rameau et se développe sur une syntaxe distordue.
 

Mahan Esfahani affirme une vision non moins personnelle, mais aux antipodes. Plus qu'à une relecture, il nous invite à le suivre dans un voyage dans l'esprit du compositeur, où les dogmes de l'interprétation « historiquement informée » font peu de poids face à I'enthousiasme de l'invention.

Dès l'éblouissant prélude, jaillissement improvisé, la route est tracée. Les audaces de la première Suite, sa gigue riche et aventureuse, la courante anguleuse et fortement dramatique tiennent en haleine. La Suite en mi, à la fois somptueuse (allemande) et champêtre (musette, rigaudons), lui inspire de nouvelles propositions ornementales dont certaines, quand elles ne sont pas trop insistantes, apportent des nuances inouïes dans l'art de traiter les dissonances. Esfahani se joue des traquenards techniques de La Poule et des Trois mains; sa virtuosité à la fois élégante et fantasque brosse généreusement les tableaux des Cyclopes et des Tourbillons.

Dans la Suite en la, il souligne de façon très habile les singularités expressives de Rameau, entre tendresse (allemande), noble fierté (La Triomphante, sarabande), élan visionnaire (Gavotte variée, augmentée d'une petite reprise très pertinente). Côté registrations, Esfahani expérimente avec esprit et creuse les caractères (La Triomphante traitée en carrures différenciées, la reprise du Rappel des oiseaux au quatre pieds).

La prise de son, qui favorise avec insistance une partie du registre aigu, fausse un peu la perspective. L’effet n'est ni très agréable, ni très flatteur pour l'instrument prestigieux, un Ruckers‑Hemsch de 1636/1763. Cependant les idées neuves dans une lettre scrupuleusement respectée, la profondeur de l'imagination, la variété du toucher font presque pardonner la sécheresse du cadre sonore.

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