Texte paru dans: / Appeared in: |
|
Appréciation d'ensemble: | |
Analyste:
Ivan A. Alexandre Depuis les premières heures du « Handel revival» - depuis Göttingen 1924 précisément - Serse appartient au cercle des élus, l’égal au théâtre comme au disque d’une Rodelinda, d’un Ariodante. Dernier chef-d’oeuvre du compositeur en langue italienne, cette comédie tardive (1738) adaptée d’un vieux livret vénitien (Minato 1654, pour Cavalli) n’en reste pas moins une oeuvre fragile. Une fantaisie sentimentale, un drame de situation et d’échange plutôt que de passion et de tirade. Radieuse en scène, périlleuse en studio. Pour l’imbroglio, nous repasserons. Dans cette douzième tentative (restons à « tentative », les meilleurs albums ayant leurs absences), les personnages sont à peine dessinés, les situations esquissées, les sentiments effleurés. Une baguette prudente guide un orchestre de poche (treize cordes, six vents - rappelons que, dans son petit théâtre, Handel en exigeait le double) à un tempo modéré entre les nuances piano et mezzoforte. Le récitatif détaille moins les paysages intérieurs qu’il ne plante un décor général. Au moins nous épargne-t-on la grimace expressionniste et le caprice parodique. Comme dans ses Flavio, Partenope ou Semele antérieurs, le propos de Christian Curnyn n’est pas d’incarner mais de révéler, le plus simplement possible, par la fidélité au texte, la rigueur du style, la confiance en la musique. La confiance, tout est là. Le charme d’une sinfonia (acte III), la peine contenue dans un duettino de seize mesures (« Grand pena è gelosia »), une partition profuse et nature, cela lui suffit, cela nous suffit. Ni rire ni larme : une caresse. Le plateau emprunte la même voie. Encore un peu Rosine, le roi perse d’Anna Stephany rivalise d’élégance avec la Romilda délicate et distante (c’est une vertu dans Serse) de Rosemary Joshua. La jeune soprano américaine Joélle Harvey a la fraîcheur et le parfum des roses matinales, la basse anglaise Brindley Sherratt la noirceur des rudes vassaux. David Daniels lutte contre un vibrato désormais anarchique pour tirer toute la poésie possible d’Arsamene, frère et rival de l’anti-héros. Le serviteur n’est pas drôle, mais Andreas Wolf chante bien. La malheureuse Hilary Summers dort debout, mais le malheur n’est-il pas le lot des fiancées trahies? Tout va très bien, en somme. Certains plaisirs ne durent qu’un moment. Un doux moment. |
|
|
|
|
|
Cliquez l'un ou l'autre
bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD |