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Analyste:
Gaëtan Naulleau Sigiswald Kuijken revenant aux quatre Suites d’orchestre trois décennies après un premier enregistrement, John Eliot Gardiner aux motets, Nikolaus Harnoncourt à l’Oratorio de Noël, Jordi Savall à la Suite en si mineur de Marais, Frans Brüggen aux symphonies de Beethoven: retrouver les grands aînés de la musique ancienne dans des oeuvres qu’ils ont tant marquées de leur empreinte invite à mesurer leur parcours. Parfois le romantisme sous-jacent de l’approche prend le pas (incroyable et atypique Oratorio de Noël), un trait indécelable au départ s’affirme (la noble amertume du dernier Marais de Savall), le geste de celui qui n’a plus rien à prouver et dispose d’une troupe aguerrie par quelques décennies d’expérience gagne en profondeur (Gardiner), en souffle (Brüggen). Avec La Petite Bande quadragénaire … une autre option encore se dessine : la radicalisation. Kuijken et son ensemble, en formation légère, concentrent le jeu sur des fondamentaux qui laissent peu d’importance au théâtre où à l’opulence instrumentale. Les accents lancés par des violons très vifs sont relâchés dès que la note rebondit - une signature, et une articulation que les hautbois s’efforcent de reproduire au prix de phrasés picorés. La hiérarchie saillante et obstinée des temps forts et faibles n’est jamais voilée par des crescendos ou des changements de couleurs. Aucun effet ne vient dévier le cours du mouvement, mais la diction intense des archets assure à cette épure chorégraphique, aux tempos toujours modérés (la Badinerie avec flûte a valeur d’emblème), de ne pas sombrer dans la monotonie. La note finale d’une phrase ne décline pas, elle s’élève pour amener la suivante : Suites de danses, ni plus ni moins, où la séduction n’est pas de mise, mais ou l’élégance prime. Kuijken, comme en 1982, fait remonter à la surface des quatre Suites leurs origines françaises. Il multiplie les notes inégales, donne à la Suite en si mineur, avec son frère Barthold, une délicatesse pointilliste digne des Concert royaux de Couperin surpointe (curieux effet) l’Ouverture de la Suite No3 Mais en 1982, il employait un effectif fastueux, à l’image des grands orchestres parisiens du temps de Lully et Rameau, tandis qu il conduit aujourd’hui une demi-douzaine d’archets. Ni violoncelle, ni contrebasse : une (BWV 1066 et 1067) ou deux (BWV1O68 et 1069) basse(s) de violon se chargent d’affûter les rythmes. On se demande parfois, en entendant ces trompettes châtrées à la faveur d’une transparence et d’une respiration chambristes, s’il n’aurait pas été judicieux d’enregistrer (comme Rampe, Dombrecht, Huggett) les BWV 1068 et 1069 « reconstituées » sans cuivres. L’ultime Réjouissance conclut sans pompe ni fracas une ode à la modération. |
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