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Diapason # 640 (11/2015)
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Appréciation d'ensemble:

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Analyste: Gaëtan Naulleau

 

Avec un producteur et un ingénieur du son moins pressés de faire avaler le micro à la divine Julia Lezhneva pour lui donner la plus large, imposante, la plus grosse voix du monde enregistré, la question du Diapason d'or se posait sérieusement.

 

Le Giardino Armonico fait du Giardino Armonico, certo. Les trois allegros à tout berzingue (premier air de l’Ange dans La resurrezione, « Un pensiero » et « Come nembo » du Trionfo) agacent par leur systématisme « vivaldien » : les strates de rythmes, les oppositions de masses dont le jeune Handel fait ses délices dans les deux oratorios romains, les phases d'accélération et de relâchement harmoniques sont, à ce train, neutralisées. L'oreille sidérée se focalise sur le pétillement des vocalises, alors même que les trois airs construisent le vertige par des jeux de perspective. Minkowski les ajustait dans l'entrée de l’Ange (avec la fantastique Annick Massis, Archiv), Antonini les survole (et doit ralentir considérablement la partie centrale). Mais ils étaient perdus d'avance, sous des micros trop zélés.

 

A la fois grossière et sophistiquée, l'image sonore renvoie aux disques de Cecilia Bartoli. Les deux chanteuses ont en commun une partie de leur répertoire et l'art de vocaliser plus vite que leur ombre, mais rien de plus. Ce qui bénéficie à la projection si particulière de l'aînée dessert le timbre lumineux et dense de Lezhneva (très lumineux et très dense : unique). Isolé de son rayonnement, matifié, il perd une partie de son charme et même de ses mots. Nous exagérons ? Comparez au studio le concert de 2015 diffusé sur Arte, libre d'accès sur culturebox.com (plusieurs airs communs). Et quel invraisemblable mixage ! Orchestre fff tout devant (« Un pensiero ») puis châtré dès qu'entre la voix, coups de potentiomètre sur la moindre ritournelle;un violon lilliputien tricote son solo au pied d'un Gulliver à couettes. Quel violon, d'ailleurs! Rendu à une présence raisonnable pour le grand air de Rodrigo, Dmitry Sinkovsky élance et colore généreusement les arabesques de ce chef‑d'oeuvre, qu'on jurerait taillé sur mesure pour Lezhneva. Inouïes, l'interminable note filée (« costanza ») et la façon dont elle se retend pour porter la phrase à son terme. Artifice numérique ? Voyez donc sur culturebox.

 

Devons‑nous à Sinkovsky un lyrisme et une souplesse rarement prisés chez le Giardino ? L’abandon voluptueux des cordes, qui, au début du Salve Regina, ouvrent la voie à la supplication doloriste, est profondément senti. Dommage encore, dans ce génial motet du jeune Handel débarqué à Rome, protestant déraciné et tout grisé du catholicisme romain, que l'orchestre soit mis à l'écart alors qu'il pourrait envelopper la prière de la pudique soprano (plus proche en cela d'Auger avec Pinnock que d'une Kozena en extase « berninienne » avec Minkowski, Archiv les deux). Sans surprise, le nid de dissonances où défaille la perverse Agrippine est la seule pièce inutile d'un patchwork romain soigneusement composé.

 

Diapason d'or? Impossible... et pourtant le galbe renouvelé du da capo suspendu, dans « Lascia la spiana », est à ranger parmi les choses les plus magiques, libres et maîtrisées, inspirées, de la discographie handélienne. Et l'air final du Trionfo, en dernière plage! L'album, commencé comme du faux Bartoli, se referme, en apothéose de la vraie Lezhneva.  

 

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