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Ivan A. Alexandre Qu’ont-ils tous à se prendre pour Farineili, le moins accessible, a fortiori le moins imitable des castrats ? C’est qu’avec l’expérience et la multiplication des écoles, l’empire du « contre-ténor » s’est prodigieusement étendu. II est loin le temps où Alfred Deller restaurait la « voix des anges », loin celui des expérimentateurs, des James Bowman, des René Jacobs (première vie), loin même celui des Gérard Lesne, des Jeffrey Gal, des Andreas Scholl. C’est que la génération montante, pour ne pas dire mutante, n’a plus l’alto Deller mais la mezzo Bartoli pour modèle. Un engagement nouveau, une aisance inédite, un soin particulier du timbre et du style, un goût prononcé pour les tessitures hautes et larges : sur des bases morphologiques et esthétiques certes allusives, le castrat de Naples, de Métastase, de Porpora, reprend si l’on ose dire du poil de la bête. C’est le temps des Jaroussky, Cencic, Fagioli, Barna-Sabadus, Nemzer et de plus jeunes encore qui nous préparent de ces surprises... En première ligne de cette tribu conquérante marche le mezzo-sopraniste David Hansen. Après quelques saisons d’alto traditionnel dont nous avons déjà loué la musicalité, le jeune Australien a fait sa mue. Le voici qui monte au contre-ut, affronte guirlandes de vocalises et longues cantilènes, enfourche les chevaux de Farinelli (Il Medo ou Alessandro de Vinci, Artaserse de Hasse) mais aussi de ses « rivaux » Caffarelli (Andromaca de Leo), Bernacchi (un autre rôle du Medo) ou de ce fameux Manzuoli qui impressionna tant le jeune Mozart (Demetrio de Leo). Et ça monte et ça descend et ça vous enchaîne triple salto arrière et quadruple boucle piquée sans frémir (mais avec l’aide des ingénieurs du son, encore que le montage laisse à désirer). Pour le style, vous n’apprendrez pas grand-chose, mais le programme lui-même vous tiendra en haleine : huit des neuf airs retenus sont absolument inédits, y compris le célébrissime « Son qual nave » composé par Riccardo Broschi pour son frère Farinelli et enregistré pour la première fois avec tous les ajouts consignés par le prince des castrats - donc d’une longueur phénoménale, pour ne pas dire infernale. Eblouis, sommes-nous bouleversés ? Peu souvent. Même poussée à ce point de maîtrise, il manque trop de couleurs et de vocabulaire à la voix de fausset pour ressusciter le bel canto d’un Vinci ; les arias cantabile, « Sento due fiamme » ou le « Taci » du Medo, en dépit de leur intégrité musicale, restent orpheline de poésie ; et le médium aigu sonne un peu dur (contrairement à l’aigu, miraculeux). Quant à l’orchestre, s’il guide et dialogue à la perfection, son tout petit effectif et sa relative monotonie n’aident pas le chanteur à varier nos plaisirs. Mais chef et soliste s’entendent, le numéro fonctionne parfaitement et l’artiste ne fait que commencer - avec de tels atouts, sans compter un poitrail de surfeur et de grands yeux turquoise, le spectacle promet. Courez à la page la moins « napolitaine » du récital, le poignant « Caria sposa » tiré de la Griselda de Bononcini frère. Dieu que c’est beau ! |
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