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Sophie Roughol On mesure l’humour de Leonardo à la parution en pleine année Verdi de ce Nabucco (en vérité : Il dialogo del Nabucco) créé en 1683 à Messine. Michelangelo Falvetti, son auteur, nous laisse un autre oratorio, Il diluvio universale, gravé il y a deux ans par Garcia Alarcón et la même équipe, à Ambronay déjà (Diapason découverte, cf. 595). L’eau du diluvio laisse place au feu : l’autorité du roi de Babylone est défiée par trois jeunes gens (Anania, Azaria et Misaele) qui lui refusent obstinément leur dévotion et sortiront miraculeusement intacts du brasier sacrificiel. Garcia Alarcón suggère que les habitants de Messine voyaient dans cet épisode de l’Ancien Testament le reflet réconfortant de sa propre résistance au Royaume d’Espagne « qui menaçait leurs repères en bouleversant gouvernement, coutumes et même dialecte ». Nabucco réunit les mêmes ingrédients qu’Il diluvio : récits syllabiques et arias ou ensembles avec continuo ou instruments concertants, ritournelles, choeurs brefs et percutants, sinfonias. Avec la même justesse d’évocation, tel le cours lent et majestueux de l’Euphrate au début du Prologue, ou le Choeur des Chaldéens entonnant la louange de Nabucco. Reste que l’appropriation de Falvetti par Alarcón pose désormais bien des questions : sans source manuscrite ni édition sous les yeux, comment faire la part de l’admissible et du superflu, du nécessaire et du complaisant ? L’orientalisme opulent de l’orchestre, esquissé dans Il diluvio, devient obsédant. Percussions, duduk, kaval, ney, lyre, colascione, cornets, flûtes, sacqueboutes, galoubet, chalumeau, basses nourries, diminutions, témoignent-ils d’une plongée savante dans l’imaginaire de cette partition oubliée, ou exorciseraient-ils la crainte du vide? L’hétérogénéité des voix s’accorde au grand magasin instrumental : Mariana Flores ensorcelle, Fernando Guimarāes campe un Nabucco halluciné de puissance, le Daniele sobre d’Alejandro Meerapfel est le vrai monarque du plateau. Pour maîtriser cette cavalcade foisonnante, le charisme d’Alarcón est bienvenu: il fédère les énergies, exalte les caractères, mais prend parfois le risque de la facilité. De Falvetti, nous n’apprenons rien de plus que dans le Diluvio, et la belle surprise du livre d’images sacrées est éventée dans ce remake inutile. Le prochain disque de Garcia Alarcón permettra enfin de voir de quel bois il se chauffe dans un chef-d’oeuvre : le Vespro de Monteverdi. |
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