Analyste: Philippe Venturini
FAGIOLI
REDONNE VIE À CAFFARELLI
Par le hasard du calendrier éditorial, le présent album semble répondre à
celui que consacre Philippe Jaroussky à Farinelli, rival de Caffarelli.
Né en 1710 près de Bari, Gaetano Majorano suivra comme Farinelli, lui aussi
natif des Pouilles, l’enseignement de Porpora à Naples et empruntera son nom
de scène à un proche, en 1’occurrence un maître de chapelle nommé Cafaro.
Mais à la différence de son cadet de cinq ans, Caffarelli passe pour
vaniteux et capricieux. Il laisse une biographie parsemée de légendes et
d’affaires de moeurs. Le présent programme reste exclusivement concentré sur
ses créations lyriques italiennes (Bologne, Naples, Rome) bien que le
chanteur voyageât beaucoup à travers l’Europe, de Vienne à Lisbonne en
passant par Versailles et Londres où, contrairement à Farinelli, il chanta
pour Haendel (rôles-titres de Faramondo et Serse). Le théâtre
San Carlo de Naples y tient naturellement une place essentielle avec le
concours de Nicola Porpora ( Semiramide riconosciuta, 1739), Leonardo
Leo (Demofoonte, 1741), Leonardo Vinci (Semiramide riconosciuta,
1744), Gennaro Manna (Lucio Vero, 1745 et Lucio Papiro dittatore,
1748) et Pasquale Cafaro (L’Ipermestra, 1751). Sans surprise et selon
une recette éprouvée, le disque démarre par un air de bravoure, le bien
nommé Fra l’orror della tempesta dont on devine l’humeur sans
connaître la partition de Hasse ni la langue italienne. Face à la menace des
cordes et l’orage des cors, Franco Fagioli résiste vaillamment. Il y oppose
un souffle qui semble infini, une tenue d’une fière allure et, surtout, une
palette de couleurs et de nuances orchestrales. Les plages suivantes
confirmeront cette impression : voilà bien un des très rares contre-ténors
capables de rivaliser avec une mezzo-soprano dans l’expression de la colère
(In braccio a mille furie de Vinci), de l’angoisse (Passagier che
su la sponda de Porpora) ou de la glorification militaire (Odo il
suono di tromba de Manna). Cela n’empêche certes pas Franco Fagioli de
traduire les langueurs sentimentales (Lieto cosi talvolta de
Pergolesi ou Rendimi più sereno de Cafaro) ou la douleur de la
séparation (Cara ti lascio, addio de Manna). Farinelli a
effectivement trouvé un très sérieux rival.
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