Texte paru dans: / Appeared in: |
|
Appréciation d'ensemble: | |
Analyste: Gaëtan Naulleau Trente ans déjà que Paul O’ Dette et Hopkinson Smith surplombent avec bienveillance le monde du luth. Deux interprètes de la même génération (1954 et 1946), nés l’un et l’autre aux Etats-Unis, venus de la guitare, sortis de la classe de Dombois à la Schola Cantorum de Bâle, et enseignant à leur tour, depuis des lustres, sans qu’aucun disciple n’affirme un talent si fort. D’un disque à l’autre, ils se croisent sur les mêmes répertoires : Smith consacrait il y a quatre ans un album au plus célèbre luthiste de la Renaissance (Naïve, Diapason d’or de l’année 2009), que son collègue honore aujourd’hui. Paul O’Dette, en vérité, s’était intéressé bien avant lui à Francesco Da Milano. C’est lui qui gravait le premier album à son nom, en 1985, pour Astrée. Déjà il citait dans son introduction la description du luthiste - ou plutôt de l’extase procurée par son jeu - par Pontus de Tyard : « Peu à peu, faisant par une sienne divine façon de toucher mourir les cordes sous ses doigts, il transporte ceux qui l’écoutent en une si gracieuse mélancolie que »... « qui d’une bouche entrouverte et des yeux plus qu’à demi clos, se clouant (semblait-il) aux cordes », etc. La notice évoque également une particularité de la vaste production de Da Milano : à la différence des autres luthistes de son temps, il ne laisse aucune danse. Toute son oeuvre est faite de pièces polyphoniques à deux ou trois voix, coulées dans les possibilités du luth avec tant de métier que les limitations de l’instrument disparaissent derrière le mouvement harmonieux des lignes entremêlées. Paul O’Dette,
pourtant, entend des danses chez Da Milano ; il donne à certaines chansons
une carrure si ferme et des élans si vifs qu’elles affleurent (démonstration
magistrale plage 4). Dans les fantaisies où son collègue cherche la clef
d’un art éminemment vocal, tout en courbes longues, il anime la polyphonie
avec une accentuation plus franche et serrée, qui participe à la clarté du
contrepoint mais chante moins. Plus lent dans la mélancolique Fantasia
64, il y met plus de respirations, mais moins de souffle. Une
impressionnante Fantasia (plage 2) porte l’empreinte d’un toucher de
rêve. Difficile de trancher à ce niveau de perfection. O’Dette, pour le
grain cristallin et le propos nettement architecturé? Smith pour une densité
de couleurs et un sfumato qui nous rappellent que le « divin » Da Milano
était au service du pape Léon X au moment où Raphaël ornait à sa demande les
quatre chambres du Vatican. |
|
|
|
|
|
Cliquez l'un ou l'autre
bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD |