Texte paru dans: / Appeared in: |
|
Appréciation d'ensemble: | |
Analyste:
Denis Morrier Il avait déjà endossé le costume de Carestini (cf. no 552) et nous avait éblouis avec ses airs d’opere serie « oubliés » de Jean-Chrétien Bach (cf. no 574). Le nouveau récital de Philippe Jaroussky réunit les atouts de ces deux précédentes réalisations, puisqu’il fait simultanément référence au compositeur fameux mais somme toute méconnu, Nicolo Porpora, et à son élève et interprète le plus célèbre, Farinelli. L’intérêt du programme le distingue d’emblée de l’anthologie disparate que Franco Fagioli consacre ce mois-ci à un autre castrat mythique du XVIIIe siècle, l’orgueilleux Caffarelli … La musique savante du Napolitain Porpora, tenu en son temps pour « le plus grand compositeur parmi les maîtres de chant », n’a guère inspiré les interprètes jusqu’a ce jour. Aux quelques airs d opéras isolés dans des albums d’Andreas Scholl, Viviva Genaux, Simone Kermes ou Cecilia Bartoli se joint le florilège sélectionné avec beaucoup de discernement par Philippe Jaroussky. Onze pages (dont sept inédites) révèlent toute la richesse de l’écriture de Porpora, son raffinement mélodique et son intensité dramatique. Le contre-ténor esquisse un portrait convaincant de l’élégance aristocratique de Farinelli par son chant tout en délicatesse. Il faut admirer son art du phrasé, renouvelé de vocalise en vocalise, sa tenue de souffle et ses nuances graduées (échos des légendaires messa di voce du castrat) ainsi que l’invention mise en oeuvre dans les cadences, où la virtuosité demeure toujours au service de l’expressivité. Par la séduction de son timbre et la souplesse de sa vocalisation, même les airs de bravoure n’ont rien de démonstratif. En témoigne le tempétueux « Come nave in ria » (tiré de Semiramide), proche parent du redoutable « Come nave in mezzo » (de Siface) naguère révélé par Cecilia Bartoli dans son « Sacrificium » (Decca). De même, l’aria concertante avec trompette, « Nell’attendere » (de Polifemo), interprétée avec fougue et légèreté, culmine en une étonnante cadence en forme de duel entre le chanteur et l’instrumentiste : interprétation rutilante sans être stridente, leçon d’intelligence et de style qui pourrait être adressée au tonitruant Franco Fagioli. Ici comme dans tout le programme, il faut souligner la finesse de l’accompagnement orchestral, tout en nuances et reliefs variés, ainsi que la direction attentive et analytique d’Andrea Marcon. Si le contre-ténor excelle dans le genre élégiaque, ce à quoi prête naturellement son timbre (émouvant « Alto Giove » de Polifemo), il se fait aussi poète dans « Le limpind’onde » (Ifigenia), où la voix noue avec deux flûtes un dialogue quasi fusionnel. On découvre, parmi les deux réjouissants duos avec Cecilia Bartoli (qui, face à ce nouveau Farinelli, revêt les atours froufroutants de la Cuzzoni, l’une des égéries de Handel), une des pages les plus inspirées de Porpora: l’obsessionnel « Placidetti Zefiretti » de Polifemo. Mais à d’autres moments, c est la qualité la plus modeste de la musique de Porpora qui nous empêche de placer cet album au niveau du fantastique florilège Jean-Chrétien Bach. |
|
|
|
|
|
Cliquez l'un ou l'autre
bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD |