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Diapason # 660 (09/2017)
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Audite
AUDITE97729
Channel Classics
CCS35117
Code-barres / Barcode : 4022143977298
Code-barres / Barcode : 0723385351177
Accent
ACC24326
Klanglogo
KL1520 
Code-barres / Barcode : 4015023243262
Code-barres / Barcode : 4037408015202


 

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Analyste: Luca Dupont‑Spirio

Une voix aiguë, un instrument de dessus (violon, flûte ou hautbois), une basse continu (clavecin, violoncelle. luth ou théorbe ...) il n'en faut pas plus pour graver les Neuf airs allemands de Handel. D'où une discographie bien pourvue et de nouvelles versions qui parfois se bousculent, comme dernièrement dans notre boite aux lettres. Précisons que ces neuf perles le méritent bien : composées dans les années 1720 sur des poèmes piétistes de Heinrich Brockes, ancien camarade d'études et auteur d'une Passion maintes fois mise en musique ‑ dont une par le Saxon, en 1716 ‑, ils montrent quelles douceurs pouvaient inspirer au musicien les (rares) occasions de faire chanter sa langue natale.

Ce sont justement des extraits de la Brockes Passion qu'enregistre en complément Ina Siedlaczek. (AUDITE97729). La soprano allemande, à l'émission modeste mais parfaitement épanouie, dialogue avec le violon, le hautbois et le traverso, seuls ou associés. Le basson renforce le violoncelle dans un continuo à deux luths et harpe où l'orgue alterne avec le clavecin. Un sens aigu de la phrase conduit cette voix à la lumière discrète, judicieuse dans l'usage de ses moyens. D'une même couleur, le sensuel Süsse Stille, sanfte Quelle et le joyeux Meine Seele hört im Sehen se distinguent par de subtiles nuances dans l'inflexion de la ligne, sans jouer l'opposition dynamique. La fraîcheur ne rend pas inaccessible un certain pathétique, comme en témoignent les airs tourmentés de la Passion, parmi lesquels « Sün­der, schaut mit Furcht und Zagen ». Une proposition toute en légèreté, certes, que ne bousculent ni remous dramatiques ni abandons lascifs, mais séduisante dans son naturel.


Celle de la compatriote Marie Friederike Schöder (
Accent ACC24326) la double moins qu'elle ne la complète. Plus de chair, plus frémissante ; une caresse dès que la mélodie en offre l'occasion. Là où Siediaczek s'efface derrière la musique, la voici qui met en avant ses mots, son étoffe soyeuse, sans malmener la dévotion. Si les atouts remplacent par moments l'inspiration, Süsse Stille révèle un art magistral, modulant dans tous les tons de la tendresse ‑ ce da capo susurré, cet aigu extatique sur la dernière cadence : gageons qu'on y reviendra parfois en pensant à ce chef‑d'oeuvre, joyau de l'ensemble. L’équipe très fournie de la Batzdorfer Hofkapelle (hautbois, violon et flûte à bec pour le dessus, violoncelle, deux luths et clavecin au continuo) soutient avec sensibilité cette lecture émouvante, et défend avec talent la Sonate pour violon en soi mineur de l'Opus 1. Les Three Pieces for a Musical Clock, arrangées pour les luths, sont délicieuses.
 

Face à ces deux belles surprises, Florilegium (Channel Classics CCS35117), ensemble le plus honoré de la livraison, trouve en Gillian Keith une comparse un peu froide. Certes, les compléments instrumentaux (Sonates en trio en mi mineur op. 5, en si mineur op. 2 et Concerto a quattro en ré mineur) enchantent grâce à la flûte d'Ashley Solomon, merveilleuse aussi dans son dialogue avec la voix. Celle‑ci toutefois ne nous touche ni par le ton, monocorde, ni par la ligne, qu'affecte un vibrato serré et systématique. Une technique sans défaut ne l'entraîne pas vers des contrastes qui animeraient un discours où Singe Seele devient aussi sage que Die ihr aus dunkein Grüften (lequel prépare pourtant le puissant « Forte e lieto » de Bajazet dans Tamerlano). Espérons plutôt que le quatuor, complété par Bojan Cicic au violon, Jennifer Morsches au violoncelle et Terence Charlston, au clavecin nous gratifie d'un opus complet de sonates...


Seul contre‑ténor de cette livraison, Fritz Spengler (
Klanglogo KL1520) ne déshonore pas ses confrères. Malgré une émission légèrement enrhumée, le timbre a du corps, solidement soutenu qui plus est. La monotonie guette néanmoins, quelques élans sincères ne faisant pas une ossature. Les Neue Arien de Krieger qui complètent le programme vocal, mélodies populaires sans grande poésie, relèvent de la curiosité. L'école musicale de l'escrime selon Schmelzer propose, côté instrumental, un divertissement de tout autre niveau où se distingue l'ensemble ContraPunct_us, mené par le violon de Christian Voss.

Enfin, pour goûter toute la pulpe lyrique de ces Deutsche Arien, nous retournerons à la prodigalité de Dorothea Röschmann (HM), à la grâce solaire d'Emma Kirkby (Emi) et aux charmes de Nuria Rial (DHM). Ce Handel‑là, au moins, n'est pas mal loti.
 


 

   

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