Texte paru dans: / Appeared in:
*

Diapason # 638 (09/2015)
Pour s'abonner / Subscription information


Ricercar
RIC347




Code-barres / Barcode : 5400439003477

Appréciation d'ensemble:

Outil de traduction ~ (Très approximatif)
Translator tool (Very approximate)
 

Analyste: Gaëtan Naulleau

De la demi‑douzaine d'aïeux dont il a précieusement réuni les oeuvres, Johann Sebastian Bach préférait‑il Johann Christoph, le grand‑oncle d'Eisenach ? 

Compositeur « profond », écrit‑il dans une courte notice. L’adjectif est certainement sans égal à ses yeux, Profond et même abyssal, le grand lamento (Ach, dass ich Wassers gnug hätte), profond et spectaculaire, le tableau de saint Michel (Es erhub sich ein Streit), profondes et oniriques, la cantate de mariage et sa chaconne vertigineuse (Meine Freundin, du bist schön). Mais ne les cherchez pas dans le double album de Vox Luminis : là où Goebel réunissait lamentos et cantates (Archiv, Diapason d'or) et Cantus Cölln toute l'Altbachisches Archiv (HM, Cinq Diapason), Lionel Meunier se concentre sur les motets pour un ou deux choeurs, issus de ce recueil ou d'autres sources. Soit deux heures vingt de partitions relativement simples alignées au risque de la monotonie. Meunier et ses chanteurs (un par partie presque toujours) l'assument sans détour. Ils ne tentent pas de varier la palette avec des doublures instrumentales (cornets et sacqueboutes s'invitent uniquement quand Johann Michael les inscrit dans Das Blut Jesu Christi), ils ne font pas davantage contraster les caractères des motets successifs par le choix des dynamiques, des tempos ou des ambiances. De la fine concentration des moyens naît une poésie intime et puissante. Dans cette approche la structure à double choeur d’une bonne moitié des motets n’est pas l'artifice d'une mise en scène en dialogue mais le ressort d'une oscillation de l'âme, le ballet léger de ses élans et ses épuisements, ou le camaïeux de supplications (début de Herr, nun lässest du deinen Diener, de Johann Christoph). Même au plus subtil (Fürchte dich nicht, Johann Christoph), le propos ne perd jamais sa netteté car avec Vox Luminis, l'énergie vient bien des entrailles du texte, prononcé d'une voix douce mais implacable. C'est d'ailleurs le trait le plus impressionnant d'un disque qui se soucie peu d'impressionner: l'expression d’une assurance tranquille, qu'un attendrissement pianissimo, une vocalise madrigalesque ou un accent fier ne font jamais dévier plus d'un instant de son cap. Dira‑t‑on de cette confiance obstinée et sereine, qui soude les voix avec une précision inaltérée, qu'elle est « luthérienne » ? Mais alors d'un luthérianisme baigné de tendresse, Les détails plastiques ne se montrent pas mais laissent admiratif pour peu qu'on observe l'étalonnage des différentes voix dans la polyphonie, le dosage des relances dans Ich lasse dich nicht et l'égalité des cantus firmus flûtés au soprano,tendus sans le moindre relâchement tout du long ‑ autre image d'assurance. À égale distance du style d'Herreweghe et de Cantus Cölln, et aux antipodes des frémissements coloristes de Gardiner dans Es ist nun aus (joyau de Johann Chistoph), Lionel Meunier et son équipe livrent un album intransigeant et magistral.

 

 

Cliquez l'un ou l'autre bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
 Click either button for many other reviews