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Outil de traduction ~ (Très approximatif) |
Analyste: Gaëtan Naulleau Quelles que soient l’importance d’un projet et l’intelligence de sa mise en œuvre, ces deux heures et demie nous ont quelquefois paru longues. Mais les deux CD ne viennent pas seuls : les accompagne un livre splendide qui, au contraire, vous fera paraître le temps bien court. Six textes de présentation substantiels et une iconographie éblouissante, jalonnée par les costumes multicolores des danseurs au soir du 23 février 1653, font rêver à chaque page. Depuis le premier tableau où « le Soleil se couche et la Nuit s'avance peu à peu sur un char tiré par des hiboux » jusqu'à l'ultime apparition du jeune roi « représentant le soleil levant », le ballet donné au Petit Bourbon devant trois mille spectateurs tissait inlassablement la fibre du merveilleux.
Tout ce que la cour comptait de danseurs agiles se pavanait (toujours en groupe, même le roi) au fil de quarante‑trois entrées (l’une illustre le « Songe du colérique », la suivante celui du sanguin, du flegmatique ... ), soit un record dans ce genre typiquement français. Le renouvellement constant des tableaux sur la scène immense (le centre de la salle cernée de gradins), les métamorphoses de Prothée et les vols en tous genres agrémentant la danse auraient‑ils un équivalent de nos jours ? Imaginez un gala des artistes réglé par le Cirque du Soleil dans les fastes de l'Elysée. Car, à l'aube du 24 février 1653, ce soIeil‑là, sous la coiffe dardée et les broderies d'or semées de pierreries faisait acte de politique autant que de divertissement : « Déjà seul je conduy mes chevaux lumineux », vers limpide après la Fronde.
Mais n'attendez pas ces paroles. Sébastien Daucé a (naturellement) omis les textes déclamés, beaucoup plus nombreux que les quelques récits chantés. Il a patiemment bâti un « Concert royal de la nuit », travail de longue haleine fondé sur le livret des six récits de Cambefort et les dizaines de danses dont nous conservons la ligne supérieure et parfois à la basse ‑ Daucé a rebrodé lui‑même les parties manquantes, d'une aiguille héroïque.
Évocation plutôt qu’impossibIe reconstitution du spectacle total: voilà pour le principe. A nos oreilles, la manière de Daucé‑chef manque pourtant, et justement... d'évocation: méthodique, subtile, chambriste, prodigue en détails, mais avare des climats et des visions qui pourraient cimenter un exercice ingrat. Tant de danses (privées de leurs pas, de leurs costumes, de leurs machines, de leurs visages aristocratiques).pour si peu de chant! Daucée ajuste un équilibre propre au disque, nul né le lui reprochera. Mais pourquoi greffer à ce ballet, qui ne comportait pas un mot italien, une demi‑heure empruntée à l'Orfeo de Rossi et à l'Ercole amante de Cavalli, partitions certes contemporaines et jouées à Paris ? Ce faisant, il surexpose ce qui lui échappe: Eurydice expire avec l'autorité d'une figurante, Déjanire présente un peu plus d'énergie ‑ ce qui n'est pas tout à fait du caractère.
Les Grâces
dialoguent sous des accents languides effleurés par trois choristes bien
sages. On pourrait, sans être Dédé la Saumure, leur prêter des formes plus
aguichantes. Le meilleur moment ne se fait pas attendre: plage 2, le Récit
de la Nuit, par la touchante et sombre Lucile Richardot, ouvre pudiquement
les portes de l'imaginaire, mais la (longue) suite ne nous a pas emporté
beaucoup plus loin malgré la variété de trait et les idées
d'instrumentation. Tout cela ausculté au microscope, chaque accent rivé à la
barre de mesure quand le Ballet de la nuit, dans sa démesure, appelle
au contraire élan et liberté, Une production scénique pourrait‑elle
transformer le chapelet de mignardises en fastueuse pièce montée ? |
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