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Diapason # 638 (09/2015)
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Harmonia Mundi
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Code-barres / Barcode : 3149020218129

Appréciation d'ensemble:

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Analyste: Philippe Ramin

On trouve Andreas Staier depuis plus de trente ans à la croisée des grands mouvements de l'interprétation sur claviers historiques. Soliste, accompa-gnateur de lieder, il connaît sur le bout des doigts les mécaniques si diverses du fortepiano, du piano romantique et moderne. C'est pourtant bien au clavecin qu'il a d'emblée marqué les imaginations avec Bach et ses fils (cinquième Brandebourgeois d'une folle virtuosité, sonates de Carl Philipp...), et c'est au clavecin qu'il aborde enfin les sept concertos.

 

Comme dans les Variations Goldberg, il joue la copie d'un grand Hass avec jeu de seize pieds. L'instrument (Anthony Sidey) est de toute beauté, et en quelque sorte plus beau encore, plus raffiné, avec des tutti plus onctueux que ceux des rares clavecins anciens de ce type parvenus jusqu'à nous. Son « excès technologique » évoque sur certains points le, Pleyel de Landowska : Staier, qui adnire la « bacchante », serait moins choqué que flatté par la comparaison. Un instrument doté d'une palette de registrations aussi large et d'une résonance longue oriente non seulement le choix d'un orchestre à cordes (au lieu d'un groupe de solistes) mais aussi l'interprétation.

 

Musicalement, le remaniement ornemental des réexpositions littérales (BVVV 1053 et 1054) et la conception de cadences développées apportent de précieux éléments sur un art de l'improvisation fondamental à l'époque; sous les doigts de Staier, la réalisation de ces moments intenses est saisissante. Il s'attache à distinguer les concertos par une caractérisation très poussée : appréciable à l'écoute du cycle, le contraste peut paraître artificiel lorsqu'on idole un concerto. Dans le BVW 1053, tout l'orchestre s'est mis d'accord pour jouer systématiquement du bout des doigts, alors que la gigue du BVW 1058 repose sur un remplissage acoustique maximum (aidé par un second clavecin) et une virtuosité sauvage.

 

L'orchestre est ici le prolongement d'un instrument long et puissant (comme le gros Pleyel qui savait si bien vrombir), le discours s'appuie sans surprise sur une rhétorique du grandiose ‑ même dans le lamento du célèbre Ré mineur. Les coups de frein systématiques avant chaque nouvelle phrase, idée, motif, passage de l'orchestre au soliste trahissent une crainte de s'adresser à des auditeurs peu attentifs. Cependant la saveur inimitable des jeux de seize et huit pieds combinés dans le volet central du BVW 1052, l'énergie canalisée du BVW 1057, la longueur d'archet dans le Larghetto du BVW 1055 sont autant de moments stupéfiants de singularité sonore.

 
Cette relecture spectaculaire dérangera ceux qui attendent un dialogue plus ludique et une éloquence plus suggestive, mais elle sait imposer un objet sonore fascinant et sans pareil.



 

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