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Diapason # 638 (09/2015)
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Buda Musique



Appréciation d'ensemble:

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Analyste: Océane Boudeau

Au hasard des vadrouilles estivales, le vacancier amateur de patrimoine architectural aura peut‑être eu I,occasion de visiter quelques villes anciennes. Ses déambulations l'auront éventuellement mené dans quelque quartier juif médiéval, comme il s'en trouve dans nombre de localités. Ni totalement séparées de la cité, ni complètement à part, ces quelques rues possèdent souvent une identité forte. On peut en dire autant du répertoire que propose le nouvel opus de l'ensemble français Alla francesca : Brigitte Lesne et ses complices sortent de l'ombre les poèmes découverts dans les marges des manuscrits hébreux. Un univers inconnu s'ouvre aux auditeurs, de pièces profanes ou d'inspiration religieuse composées par les juifs du Nord de la France contemporains des trouvères. Mais contrairement aux oeuvres de ces derniers, les textes n'ont pas été consignés avec leur notation musicale. Le défi a donc été de retrouver les mélodies ayant servi, ou pouvant servir, de support au poème. Si certaines sources indiquent le titre de la chanson française dont il faut reprendre la mélodie, la majorité d'entre elles taisent ce précieux renseignement.

 

La plupart des compositions de ce disque sont donc des contrafacta, procédé répandu au Moyen Age, consistant ici à placer sur les mélodies de célèbres chansons de trouvères des poèmes en hébreu, voire en langue d'oïl qui était communément parlée par les juifs et les chrétiens dans la France septentrionale. L'amateur de musique médiévale circule donc en terrain connu : pas d'orientalismes à base de seconde augmentée propres aux mélodies séfarades mais des airs familiers parmi ceux de Richard Coeur de Lion, Gace Brulé, ou encore Moniot de Paris.

 

Le disque se nourrit des fortes personnalités des cinq interprètes et de leurs multiples talents instrumentaux, ce qui apporte une variété de timbres et un renouvellement des plus heureux. La surcharge n'est pas de mise et ce sont l'écoute, l'expressivité et la finesse des accompagnements qui prévalent. Le timbre chaud de Brigitte Lesne et la virtuosité de Pierre Hamon, codirecteurs de l'ensemble, tendent le fil conducteur autour duquel se greffent les instrumentistes et le ténor Lior Leibovici. La fougue du chanteur, la brillance de son médium et le naturel de son expression ne sont pas pour rien dans la réussite de cet album.

 

L’audace des textes des chansons de mariage à forte charge érotique trouve son pendant dans le déchire­ment et la détresse qui émanent de l'Elégie de Troyes, composée suite à l'exécution de treize juifs en 1288. La modernité de ce poème, qui com­porte un pathos inhabituel dans l'univers médiéval, est soulignée par l'accompagnement insolite et juste de Michaël Grébil, jouant un cistre à archet.

 

 

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