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Diapason # 627 (09/2014)
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Appréciation d'ensemble: 

Analyste: Gaëtan Naulleau

Marc Antoine Charpentier était‑il le plus italien des maîtres du grand siècle, un contre‑pouvoir emblématique de l'indépendance des princesses de Guise face au roi et au surintendant Lully ? Jouons‑le donc autrement. Jordi Savall montrait la voie lors des Grandes journées Charpentier de 1989. La collection de pièces mariales agencée pour un concert à la Chapelle royale, avec un sextuor de solistes ardents mené par Montserrat Figueras, faisait bientôt l'objet d'un disque sublime. Le contre­point sophistiqué des Litanies à la Vierge à six voix, également à l'affiche d'un disque des Arts florissants gravé la même année, opposait l'exquise tendresse de l'ensemble français au jeu d'accents larges et d'ornements effleurés, au mélange d'emphase voluptueuse et d'introspection qui n'appartient qu'à Savall. Programme parfaitement conduit, du merveilleux tableau des anges et des hommes prosternés devant Marie au Stabat Mater hypnotique en passant par le Salve Regina à trois voix d'hommes, ténébreux concentré des dissonances propres à Charpentier. Le renouveau stylique accompli par Savall n'était pas moins puissant que dans les Vêpres de Monteverdi l'année précédente.

 

La suite s'est fait attendre longtemps. En 2004, à Versailles de nouveau, Savall reprenait une moitié du programme et le prolongeait par la grande messe mariale de Charpentier. Ce concert capté par Radio France nous arrive maintenant dans un beau livre, couplé au disque de 1989 (qui gagne à l'occasion un transfert SACD). Le ton est bien le même, mais l'inspiration ne volait sur les mêmes cimes en 2004. On devine plus d'une fois dans la messe la préparation fragile des chanteurs, tous renouvelés, sans l'ardeur oratoire qu'une Figueras insufflait à ses partenaires. Les nouvelles dames s'en tiennent à un angélisme de bon aloi, les hommes manquent d'autorité, et quelques pages de maturation (le Domine salvum!). Certains ensembles sont d'une somptuosité renversante (premier Christe, une bonne partie du Credo), mais les extases trop prévisibles des pages lentes pèsent sur la grande architecture, mieux agencée par Christie dans l'un de ses plus grands disques (HM). Son Sanctus dansait sur les pointes à vive allure: tempo discutable, mais celui de Savall, aux antipodes, ne l'est pas moins (et ses chanteurs peinent à prendre leurs marques).

L'album reste précieux en ce qu'il documente la petite version de la Missa assumpta est Maria, dont l'effectif plus léger ne fait jamais regretter l'orchestre. Savall y ajoute le Concert à quatre parties de violes (enregistrement de 2013), sur des tempos toujours très personnels et dans une texture étrangement épaissie dans les basses par un violone et un théorbe. D'une lecture très libre, retenons la Passacaille aux harmonies entêtantes, qui s'émancipe des élans codifiés de la danse pour prendre l'allure d'une procession éplorée : l'enchaînement à la Nuit (intermède instrumental d'une Pastorale de Noël) a la beauté d'une transfiguration.
 

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