Analyste:
Roger‑Claude Travers
Hommage soit
rendu à Martin Berteau qui fut, avec Jean Barrière et Jean Baptiste Stuck,
un des acteurs majeurs de l'école française de violoncelle au milieu du
siècle des lumières. Thomas Drescher, dans son érudite notice, salue en lui
le père du jeu moderne de l'instrument, dont il explora les possibilités
techniques et pour lequel il développa un jeu soliste expressif. « Presque
tous les violoncellistes de la génération suivante, précise Drescher, se
présentaient comme élèves de Berteau. » Gageons que Berteau sut, avant de
composer les six Sonates da camera op. 1 de 1748, savourer les
célèbres sonates pour violoncelle de Vivaldi éditées à Paris en 1740 (mais
écrites vingt ans plus tôt). Écoutez par exemple le Vivace de la
no 1 en ré majeur du Français, avec ses jeux d'arpèges et son
audacieuse exploration des différents registres du violoncelle. Les
conduites mélodique et rythmique rappellent étrangement le Vénitien. L’Allegro
assai est lui aussi d'une insouciance tout italienne, comme le thème
trottinant aux saveurs napolitaines de la no. 4 (Allegro ma non troppo).
On aime aussi, chez Berteau, ses graves méditatifs et dignes (no. 3
en sol majeur) ou l'élégance souriante d'un Menuet Gratieux à la
française, abordé avec un détachement raffiné par Christophe Coin ‑ qui sait
en d'autres pages rappeler le Berteau charismatique et impulsif décrit par
ses contemporains. Son esprit toujours aussi agile que l'archet, une
tendresse propice à l'amoroso (réclamé dans quatre pièces), la
fermeté du phrasé et une dynamique sans inertie animent chaque note. Les
mouvements assez brefs y trouvent leur grandeur. Le charme des sonorités
opère dans le thème délicat du Rondo amoroso de la no 3,
susurré en harmoniques flûtés, et dans la retenue pudique du Gratioso
du Trio pour violoncelles. Jouée sans clavecin, cette page superbe et
sans précédent laisse songeur: comment se fait‑il que nous découvrions ce
maître si tardivement ? Révérences à Christophe Coin, qui revient enfin au
disque en solo; on rangera précieusement son album à côté du récital
Barrière de Bruno Cocset (Alpha).
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