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Analyste: Jean‑Philippe Grosperrin Opéra magique (comme AIcina) ? Aventure du chevalier souffrant (comme Ariodante) ? Orlando ‑ c'est là son charme particulier ‑ affirme d'abord le règne des équivoques, dans ses formes musicales comme pour la configuration des personnages. La récente version d'Alexander Weimann (cf. n° 621) valorisait l'imprégnation pastorale au détriment du drame des passions fortes que contient aussi Orlando. Issu de représentations bruxelloises (cf n° 603), l'enregistrement de René Jacobs opte vigoureusement pour un théâtre dont l'auditeur pourra se demander assez vite quels en sont les motifs et la pertinence. L'hystérie des bruitages (Zoroastro semble vivre dans le Ring de Solti) et le goût du chef pour le bariolage instrumental sont moins fâcheux qu'une animation trop souvent univoque, farcie de détails hypertrophiés. Verser du piment partout tue l'économie des goûts. Si les duos des actes Il et III plus récitatifs que lyriques, convainquent, des basses surlignées altèrent la délicatesse des airs de Medoro ou dAngelica, et le caractère « entre deux » du trio succombe à marche forcée. Paradoxe: la main impérieuse du chef produit à l'orchestre un babil finalement frivole. Même la scène de folie cède à ce show, qui outre la fragmentation et les contrastes de l'écriture jusqu'à neutraliser le pouvoir fascinant de la séquence, en reléguant au second plan un protagoniste mortifié. Victimes majeures, la contemplation bucolique, ses grâces pénétrantes, disparaissent sous un style pesant et des effets complaisants, auxquels s'adonne aussi Sunhae lm, affairée à grimer la « gentil pastorella » en cousine tapageuse de Despina. Corsetée par le chef (« Cosi giusta »), étrangement banale dans la vocalise, Sophie Karthäuser a pour elle musicalité et intensité, mais pour le visage ambigu de la princesse Angelica font défaut les sinuosités expressives, le ton fier mais souriant, la tendresse.
Medoro (Kristina
Hammaström) et Zoroastro (Konstantin Wolff) tiennent bien leur rang, même si
l'ascendant et le mordant du second sont relatifs. Après son récital Handel
en 2010 (HM) où figurait déjà la folie d'Orlando, la voix de Bejun Mehta
(ici captée en juin 2013) confirme un appauvrissement (en couleurs, en
stabilité) nocif à un tel rôle. Un phrasé sautillant ou chancelant achève de
gâcher l'admirable « Non lu già ». L'engagement de l'interprète n'en
peut mais: à l'acte III, ce héros n'est pas inquiétant dans son délire ni
magnétique dans son sommeil. Orlando attend toujours une version digne de sa
poésie complexe. Muni d'un extraordinaire trio féminin (Auger, Kirkby,
Robbin), Hogwood (Decca, 1990) sera le meilleur compagnon pour patienter. |
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