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Analyste: Gaëtan Naulleau
Le Diluvio universale du mystérieux Falvetti (Diapason découverte, cf. no 595) et l'Ulisse bruxellois de Zamponi (idem, cf. no 624) ont donné la mesure de Leonardo Garcia Alarcon. Le théâtre ‑ ses tableaux, ses contrastes, son lyrisme, son humour ‑ coule dans les veines du charismatique dauphin de Gabriel Garrido. Coqueluche du Festival d’Ambronay, il perpétuait avec le Vespro de Monteverdi une sorte de tradition maison inaugurée par Jordi Savall en 1988, maintenue par Garrido justement en 2000 puis 2006. Faut-il s'étonner que Garcia Alarcon - à l'orgue en l'an 2000 - penche du côté du second ? Avec un choeur bien mieux sonnant et moins de jeux spatialisés, mais avec le même goût du foisonnement, la même générosité jubilatoire, et des tempos plus vifs encore (le Nisi Dominus!). A ce train le spectacle en impose, et masque la construction polyphonique, vaguement modelée sur des basses ronflantes. C'est pourtant par elle que Savall révélait une sensualité et une intériorité inédites dans le monument de 1610. Le violiste renouvelait notre écoute à travers son expérience du consort autant que par un geste déclamatoire ralenti et intensifié, comme enraciné dans le plain-chant.
Dans l'acoustique généreuse d'Ambronay, Garcia Alarcon prend le chemin opposé, clarifie le discours en multipliant les contrastes (soliste versus choeur, doublures instrumentales ou non, rapide ou lent). John Eliot Gardiner, qui vient de revenir aux Vêpres lors d'un stupéfiant concert filmé à Versailles, y ménage encore plus d'effets ? Mais supérieurement imbriqués, et réalisés avec une précision de trait, de mot, de couleurs, de plans, de rythmes, hors de portée pour Garcia Alarcon et son équipe. Gardiner dirige « ses » Vêpres depuis un demi-siècle: on ne lui reprochera pas de rester en marge des débats entre historiens. On s'inquiète davantage qu'un jeune musicien s'en tienne à des solutions toutes prêtes - hormis le plain-chant composé par Lionel Desmeules afin de compenser l'absence d'antiennes à la Vierge dans les tons du Vespro. Il gagnerait à se demander ce qu'implique musicalement un continuo à l'orgue seul au lieu de le gonfler avec (entre autres) une contrebasse et d'asséner la pulsation dans un « Duo Seraphim » en sabots. Et le divin « Pulchra es » des sopranos a-t-il besoin d'un accompagnement aussi musclé que le Lamento d'Octavie ? Il gagnerait aussi, dans les psaumes, à mieux affûter ses outils pour nuancer le poids des accents et les caractères d'un verset à l'autre, sans recourir systématiquement à des oppositions de tempos.
L’Ulisse
de Zamponi éclairait toutes les vertus d'un musicien-né, ce Vespro
souligne les limites qu'il devra repousser dans des partitions plus
complexes.
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