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Diapason # 614 (06/2013)
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ZigZag
ZZT319
(2CD)




Code-barres / Barcode: 3760009293199 (ID300)

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Appréciation d'ensemble:
Analyste:  Gaëtan Naulleau
 

Le prince assassin, expert en glissements harmoniques inouïs? Le génie isolé sublimant dans ses madrigaux des névroses morbides ? Les musicologues, en replaçant Gesualdo dans son temps, ont sérieusement écorné le mythe. Le compositeur, certes, laisse quelques-unes des oeuvres les plus frappantes de son siècle, mais ses extravagances (ses « distorsions», selon la belle image de Jean-Marc Aymes) s’inscrivent dans la lignée d’autres pages expérimentales de la Renaissance finissante, Rinaldo Alessandrini le soulignait il y a quinze ans dans un bouquet discographique où quelques fleurs maniéristes de Luzzaschi, De Monte et Nenna se glissaient entre des extraits du fameux Livre VI (Opus 111). Aymes (comme Dinko Fabris dans sa passionnante introduction) défend la même idée, mais préfère confronter le Prince de Venosa et l’art d’Ascanio Maione (ca. 1565-1627), haute figure d’une école de clavier napolitaine qui influença considérablement Frescobaldi.

L’illustration se fait en deux temps un premier disque de motets entrelardés de pièces jouées au clavecin, à l’orgue (assez fade mais permettant d’être accouplé en claviorganum), à la harpe (instrument très prisé à Naples à l’époque), et un second volet partagé entre des madrigaux et les mêmes instruments. Pour étendre encore la palette, la harpe de Mara Galassi vient parfois prêter main douce au clavecin de Aymes, en amplifiant ses résonances par quelques accords égrenés, en engageant le dialogue dans une canzone, ou en jouant sur les deux plans dans les variations lo mi son Giovinetta. C’est magnifiquement fait, Aymes assouplit son clavecin comme une harpe, et celle-ci déclame avec l’énergie, la fermeté, d’un clavier. On est heureux de goûter également dans quelques solos le jeu si imaginatif de Galassi : le seul disque qu’elle consacrait à ce répertoire pâtissait de micros grossiers (« Il viaggio di Lucrezia », Glossa, 1998).

Les délices et les amertumes, le travail sur le net et le flou, le doux et le brillant, l’élan et la méditation qui naissent de ses cordes dans l’extraordinaire Toccata 4a de Maione, n’ont qu’un tort: souligner, en regard, la raideur du chant des madrigaux. Captées de très près, pour donner sans doute le sentiment de la chambre d’un palais plutôt que l’habituelle église, les voix apparaissent étriquées, ingrates, tendues (Maria Cristina Kiehr et Rosa Dominguez ont connu de meilleurs jours). Dans cette proximité qui semble réfréner leurs élans et leurs accents, le contrepoint de Gesualdo se fragmente et se fige. Disque paradoxal: soudé par un superbe projet, mais scindé par sa réalisation. 

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