Texte paru dans: / Appeared in: |
|
Appréciation d'ensemble: | |
Analyste: Jean‑François Lattarico En 1650 l'opéra vénitien est à son apogée: après avoir essaimé de Naples à Gênes, de Bergarne à Bologne, il accoste à Paris, importé par Mazarin. Les maîtres d'oeuvre de la Finta pazza, premier opus à fouler le sol ultramontain, s'exportent aux Pays‑Bas du Sud (l’actuelle Belgique) et donnent à Bruxelles Ulisse all'isola di Circe : la musique de l'obscur Gioseffo Zamponi, émule de Cavalli, doit orner les noces de Philippe IV avec Marie‑Anne d'Autriche. Un opéra de cour, donc, avec les fastes qui s'imposent, et dont témoignent les gravures des décors et des ballets publiées avec le livret. Après le Ritorno di Ulisse de Monteverdi et L'Ulisse errante de Sacrati, le librettiste Amalteo reprend, pour ce troisième opéra homérique, l'épisode de la magicienne Circé, propice aux effets métamorphiques (le choeur des statues en 1, 17). On découvre une merveille de sensualité et d'équilibre, une partition typique de cette époque charnière où le recitar cantando encore domínant (cf le beau dialogue entre Mercure en 11, 2, qui rappelle qu’au XVIIè siècle, l’opéra est avant tout théâtre) laisse percer un cantar recitando – nombreux lamentos et duos, arias, tous brefs et d’une grande séduction mélodique. La première scène d'Ulysse ou encore l'aria facétieuse d’Argesta (« L'aure gradita » en 13) resteront gravés dans les mémoires. La fine équipe de Leonardo Garcia Alarcón maîtrise les plus subtils ressorts de cette musique du mot. Saluons le chant ardent de Céline Scheen en Circé, la sensuelle Vénus de Mariana Flores (superbe « La mia stella vincitrice »),l'Ulysse à la fois martial et fragile de Furio Zanasi (voyez son adieu à Circé), la déclamation toujours aussi variée de Dominique Visse. Tous (malgré le Satiro venteux de Fabian Schofrin) servent à merveille une partition d'une richesse incroyable. Garcia Alarcon, dans le sillage de son maître GarTido, instrumente et diversifie généreusement le continuo, imagrne dans le récit de Neptune (qu'il accompagne de trombones) des échos de L'Or du Rhin, greffe sur le merveilleux duo des amants en ostinato un touchant dialogue instrumental (1, 12). Toutes choses qui seraient plus discutables si elles ne servaient si habilement et précisément le théâtre. Cette redécouverte de choix nous parvient dans un bel écrin richement illustré, et laisse attendendre le meilleur de l'Elena inédite de Cavalli enregistrée par Garcia Alarcón et ses complices.
|
|
|
|
|
|
Cliquez l'un ou l'autre
bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD |