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Diapason # 624 (05/2014)
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Glossa
 GCD922803




Code-barres / Barcode : 8424562228030  (ID402)

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Appréciation d'ensemble:

Analyste: Gaëtan Naulleau

Coeur des ténèbres

Le cycle tortueux de Gesualdo pour l'office des ténèbres est enfin revisité par des experts en madrigal italien ! Chef‑d'oeuvre de la Compagnia del Madrigale, dans la lignée d'un Sixième Livre déjà primé.

 

Les madrigaux les plus tourmentés de Gesualdo fascinent toujours et leurs enregistrements abondent  depuis quelques années. Mais comment se fait‑il que les gravures des Responsoria ciselés sur une série de textes violents et affligés pour la semaine sainte, où l'écriture du prince de Venosa n’est pas moins audacieuse que dans le Sixième Livre d'ailleurs publié la même année 1611, se comptent sur les doigts d'une main ? A cause de l'ampleur du monument, dont les trois fois trois motets (trois pour chacun des trois nocturnes des jeudi, vendredi et samedi saints) promettent aux chanteurs quelques sueurs froides au long d'interminables sessions ? C'est aussi que les rares ensembles experts dans le madrigal italien hésitaient à s'aventurer dans un recueil de musique sacrée. La discographie se partageait donc entre des choeurs, qui s'accommodaient tant bien que mal d'une polyphonie peu harmonieuse, si fragmentée, chromatique, si peu ... chorale, et l'album des Hilliard, qui a tenu le haut du pavé pendant vingt ans (ECM, Diapason d'or).

 

LE POULS DES ÉMOTIONS

C'est peu dire que la Compagnia del Madrigale renouvelle le propos. Par le diapason aigu, à l'inverse de la transposition qui, chez le collectif masculin, installait une sombre polyphonie sur des basses imposantes et résonantes, mais surtout par le raffinement inédit du trait. Rossana Bertini, Giuseppe Maletto, Daniele Carnovich et leurs pairs jettent sur la partition le même regard perçant que sur le Sixième Livre (cf no 611, Diapason d'or de l'année 2013). Marco Bizzarini, dans son texte de présentation, prend pour exemple le milieu d'In monte Oliveti, quand le Christ médite: « le dialogue entre quintus et altus ("l'esprit est prompt ") se caractérise par un ample intervalle de sixte mineure ascendante, qui se prête à une dynamique forte, tandis que la réponse à quatre voix (« mais la chair est faible »), dont le profil mélodique est basé sur de petits intervalles, semble demander une sonorité plus fragile. Un clair‑obscur qui passe inaperçu dans le geste égal et l'acoustique des Hilliard, mais qui s'articule en toute souplesse avec les équilibristes de la Compagnia.
Leur Gesualdo est un modèle de contraste autant que de fluidité. Ils savent que les dissonances et les glissements chromatiques vertigineux de Gesualdo suivent en vérité, sans déroger, les principes du contrepoint modal. L'exhortation indignée se mêle à la douceur apaisante, l
''empathie à la majesté, l'agneau de Dieu au vainqueur des ténèbres, le doute individuel au réconfort du dialogue, et tout cela sans rupture, par un art proprement unique de la polyphonie expressive, sur une pulsation libre d'épouser le pouls inégal des émotions (autre différence de taille avec les Hilliard).

Parfait programme, où quelques contemporains de Gesualdo le précèdent sur ces voies expérimentales, notamment Luzzaschi dans l'extravagant Quivi sospiri... de 1582.                   

 


 

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