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Analyste: Jean‑Luc Macia La première
surprise est de découvrir Ophélie Gaillard dirigeant Carl Philipp Emanuel
Bach de son violoncelle, avec un aplomb et une vigueur qu'on ne lui
soupçonnait pas. Dans le premier mouvement de la cinquième symphonie pour
cordes de 1773, les oppositions rythmiques sont dessinées avec une tension
implacable, ébranlant la ligne chantante du début. Cette théâtralisation
vindicative d'une musique aux affects torturés est du pur Carl Philipp. Les
cordes de Pulcinella ‑ pour la première fois entendues en formation aussi
étoffée ‑
basculent en un instant d'élans
vifs en brusques dépressions sous la houlette de l'excellent Thibault
Noailly. Pour préciser le portrait du second fils musicien de Johann
Sebastian, on nous offre en fin de disque la Sonate en trio en ut mineur
pour deux violons et basse: partition‑phare du Sturm und Drang,
où le compositeur scénarise dans ses moindres nuances le dialogue
d'un sanguin et d'un mélancolique. Colère, moqueries, tristesse sous les
archets de Thibault Noailly et Nicolas Mazzoleni, tandis qu'Ophélie
Gaillard et le pianoforte de Francesco Corti organisent leurs oppositions
avec tact. Ophélie Gaillard aurait pu réunir les trois concertos pour
violoncelle et se passer alors de ces deux compléments ; c'était gagner en
logique mais perdre la dimension à la fois pédagogique et euphorisante du
programme. On ne regrette donc pas trop le Concerto en si bémol majeur
que la violoncelliste enregistrera bien un jour. Pour notre bonheur,
l'essentiel du CD réside en une lecture pétulante des deux autres. On est
happé dès le tutti véhément introduisant chaque mouvement rapide; mais on
admire aussi l'art de la relance et de la transition sans lequel la plus
généreuse impulsion risque de s'épuiser. La tension percutante de
l'orchestre offre un habile faire‑valoir à l'archet plus serein de la
soliste‑chef. Et la prise de son translucide, qui combine les deux dans un
espace parfaitement construit, en pleine lumière, est un modèle. On est
subjugué, une fois encore, par les irisations de son violoncelle, les
soubresauts et les incises qu'elle insuffle à la ligne musicale, l'ambiance
éthérée mais intranquille des mouvements lents: écoutez dans le Largo
du Wq 172 ces oppositions piano et forte avec des trilles
diaboliques. Comment ne pas succomber aux affects en cascade qui secouent
l'Allegro initial du même Wq 172, ou le finale trépidant et ses volubiles
cordes brisées ? Ophélie Gaillard fait jeu égal avec la fameuse lecture du
tandem Bylsma/Leonhardt (Erato/Virgin), ce n'est pas un mince compliment.
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