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Diapason # 656 (04/2017)
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Analyste: Philippe Ramin

 

La fascination exercée par les Variations Goldberg se traduit par le rythme de sa discographie, unique dans tout le répertoire de clavecin...

Ignacio Prego a été l'élève d'Emile Naoumoff pour le piano puis de Richard Egarr et Kenneth Weiss pour le clavecin, un faisceau de bonnes fées dont nous avons entendu le produit dans des Suites françaises saluées pour leur tranquille équilibre (Cantus). L’instrument choisi (une belle copie de Vater réalisée dans les ateliers d'Andrea Restelli, et déjà choisie dans cette oeuvre par Guglielmi) possède des qualités idéales pour la transparence de la polyphonie. Sa rapidité d'émission profite autant au plaisir de l'audiophile qu'à l'écriture de Bach. Ce premier postulat (hédonisme sonore ... ) est parfaitement rempli. Soucieux d'éviter toute aspérité au discours, Prego modèle une matière étonnamment lisse, très agréablement tournée, d'une exécution sans faille et sans véritable incarnation. Cette façon de se promener avec prudence (Variation III), de freiner la virtuosité (Variation XXIX), d'amollir plutôt que de tendre l'adagio (Variation XXV) interdit deux options, à savoir souligner l'arche fédérant les variations ou imposer le caractère de chacune. C'est joli, chic et moderne. Le caractère rêveur et poli de l'aria est finalement décliné trente fois; comme un exercice de style sur les bonnes manières.

De celles‑ci, Wolfgang Glüxam ne parait pas trop se soucier. La rhétorique et le projet du compositeur l'intéressent davantage. On a le sentiment de redécouvrir sous ses doigts un art oublié, fait d'imagination et d'illuminations fugitives, ainsi qu'un sens rythmique plus identifiable chez les pianistes du passé que dans le jeu des clavecinistes modernes. De son professeur Ton Koopman, Glüxam a hérité la diction impérieuse et possède d'impressionnants moyens pour rendre justice à l'esprit de ces miniatures. On passe d'une manière frappante à la plus poignante mélancolie (Variation XXI, et surtout XXV si fé­brile ... ), à la joie simple d'un contrepoint croisé (Variation XVII). Doublures à l'octave à la façon d'un seize pieds (allabreve XXII), virtuosité inouïe à même de restituer ces trilles dignes d'une musique spectrale (Variation XXVIII), le musicien fait apparaître la double nature de ces variations, à là fois jeu de clavier d'une audace folle, et projet de compositeur d'une insolente modernité. On est dans la lignée du violoniste Reinhard Goebel sur le plan de l'analyse et de la mise en scène. Les propositions d'ornementations sont en adéquation avec l'intensité du propos.

Curieusement, les Goldberg de Glüxam nous arrivent dans un double album le second disque rassemble les pièces essentielles à qui veut débusquer le compositeur en devenir, ses coups de génie (Fantaisie en la mineur) à l'imitation des maîtres du style fantastiques, les enjeux de la création (Ricercare a 3), les formes hybrides pleines de séduction (Pré­lude, fugue et allegro).

L’enregistrement de ce second volet manque un peu de finesse mais l'intensité du message fait très vite oublier ce paramètre acoustique.

La lecture de Davide Pozzi invite davantage à la rêverie (ou au sommeil, le contrat dont parle Forkel est donc rempli). Le musicien se promène dans l'oeuvre sans chercher à établir de liens particuliers entre les variations ni à les caractériser. Après une aria poussive, une succession d'études nous lasse rapidement. Quelques pages (Variations XI, VIII) nous tirent de la torpeur où de nonchalantes évocations nous ont plongé (Variation XIII). La concurrence est rude.

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