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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction ~ (Très approximatif) |
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Analyste: Sophie Roughol Il en va des projets de Jordi Savall comme de la cuisine‑fusion, quand des confrontations chimériques créent des saveurs authentiques. Quel autre chef étoilé aurait pu réussir une fresque retraçant un siècle de guerres dans une géographie lacérée par les ambitions ? De 1614, quand l'Empire ottoman attaque la Hongrie, à 1714, qui voit Barcelone capituler après un long siège. A peine le conflit de la Succession d'Espagne résolu, l'Europe se déchire: guerre de Trente Ans, éphémère République catalane, guerre civile anglaise, Vénitiens contre Ottomans, paix de Prague, de Westphalie, des Pyrénées, de Nimègue... Les musiciens orchestrent la folie à la demande des puissants et pour conforter les faibles: batailles, marches funèbres, messes, lamentos, Jubilate et Te Deum arrogants d'un côté; taksim et makam, cants catalans, plainte en araméen de l'autre.
Savall convoque des textes militants pour mettre en perspective ces événements et expliciter ses choix musicaux. Démêler le contenu s'impose. Côté inédits, enregistrés en 2013‑2014 et adroitement rendus compatibles par Manuel Mohino: Praise the Lord de Blow, Te Deum de Charpentier exultant et précis, Il più bel nome de Caldara, une des Fontaines d'Israël de Schein madrigaliste, un Jenkins instrumental (The Newark Siege), une chaconne de Muffat, un chant russe de Vasily Titov, une belle plainte araméenne. On zappera un Siehe an die Werke Gottes de Rosenmüller totalement désuni et quelques pages en forme d'anecdote, pour un Handel (O be joyful HWV279) mémorable et opulent, ou lors de la même session versaillaise le Jubilate Deo de Lully (1660) aux solistes rayonnants. Côté reprises, Savall privilégie des séquences courtes, du marquant (Requiem de Cererols en 1987) à l'oubliable (Missa Bruxellensis de Biber). Chantre d'une utopie sans fin, il nous fait entendre l'histoire de la musique dans celle des hommes, conjuguant dramaturgie acérée et intelligence du cœur.
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