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Analyste:
Jérémie Bigorie
On
n'en finit pas de suivre la descendance de la magicienne inventée par l'Arioste.
Moins de vingt ans après la création de L'Orfeo de Monteverdi à Crémone,
c'est à Florence que voit le jour ce qui passe pour le premier opéra né d'une
main féminine. Fille aînée de Giulio Caccini, Francesca étudie naturellement
sous les auspices de son père la composition et le chant. La liberazione
(1625), exacte contemporaine du Combattimento di Tancredi e Clorinda,
reste le seul opéra qui nous soit parvenu de sa plume. N'attendez pas du
rôle-titre les émotions compassionnelles que suscite la future héroïne
haendélienne : en cela beaucoup plus proche du personnage original de l'Arioste,
cette Carabosse, mauvaise perdante de surcroît, évolue perpétuellement aux
limites de la dépression nerveuse, le disputant en faconde au clavecin qui
l'accompagne. Ruggiero, à l'inverse, n'est que séduction, la noblesse du
personnage se fondant à plaisir parmi l'attirail des cordes pincées. La mutine
Melissa apporte à l'intrigue son carburant et son dénouement.
L'arioso
pratiqué par Francesca Caccini s'inscrit parfaitement dans le sillage de
Monteverdi tout en l'anticipant : ainsi du stile concertato des
demoiselles qui annonce tel choeur des courtisans d'Il Ritorno d'Ulisse. On est
frappé par la variété des situations et la justesse des personnages,
remarquablement campés par la distribution ici réunie, même si Elena Biscuola
(furie éperdue) et Mauro Borgioni (Ruggiero intense) se font piquer la vedette
par la Melissa de Gabriella Martellacci, vrai contralto dont le timbre
oraculaire est digne d'une sibylle. Cuivré et chatoyant, l'ensemble que dirige
Elena Sartori parachève la réussite de cette oeuvre attachante.
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