Tatiana Nicolayeva (Hyperion), Sokolov (Naïve), inclassable, Alice Ader (en public/Fuga li- bera) et Pierre-Laurent Aimard (DG) ont tenu à graver L’Art de la fugue au piano, monument qu’un Glenn Gould (Sony) consentit à enregistrer (partiellement) à la fois au piano et à l’orgue. Sculpturale, d’un soin extrême apporté à la lisibilité des lignes polyphoniques tout en évitant l’écueil de la sécheresse, l’interprétation de Cédric Pescia nous paraît pourtant éloignée d’une pure abstraction géométrique. Il aborde ce recueil comme de la musique sacrée, retravaillée par ses « canons » personnels : progressions dynamiques, rubato finement dosé, justesse des plans sonores et transparence du jeu. D’où des tempos visant à étirer le temps de façon à goûter un peu plus chaque voix, et ce dès l’impressionnante entrée en matière que constitue le Contrapunctus 1. L’ultime Contrapunctus et la Fuga a tre Soggetti nous plongent dans des contrées glacières mais on pourra trouver que les choses se délitent un peu, jouées avec une telle lenteur. Ailleurs, le soin apporté à l’articulation échappe à toute monotonie, que ce soit en sollicitant le gras de doigt pour faire ressortir les têtes de motifs dans le contrepoint le plus dense (n° 8 et 10) ou, à l’inverse, en obtenant rebond et légèreté par le biais de la dernière phalange (rythmes pointés du n° 6 « in Stylo Francese »). À cette expressivité du toucher s’ajoute le tempérament inégal choisi par le pianiste franco- suisse, qui confère un surcroît d’éloquences aux intervalles diminués. Soulignons enfin la dissémination habile des canons dans le recueil offrant davantage d’homogénéité au testament du Cantor, dont la version pour orgue demeure toutefois la plus probante.

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