Analyste:
Pablo Galonce
Qu'il ait été conçu vers 1689
pour les jeunes filles d'un internat ou quelques années auparavant comme
divertissement de cour, Dido and Eneas reste une énigme
musicologique. Si le modèle de Purcell est bien connu (Vénus et Adonis
de John Blow, son maître), la perfection de cette oeuvre n'a cependant
guère de précédents. Disparate, incomplet même, et pourtant abouti, l'opéra
a connu toutes sortes d'interprétations, dominées par la personnalité de
l'héroïne, comme celles de Janet Baket, (avec Anthony Lewis ‑ Decca ‑ et
Steuart Bedford ‑ Decca), Tatiana Troyanos (avec Charles Mackerras Archiv),
Jessye Norman (avec Raymond Leppard ‑ Philips), ou par un chef, que ce soit
Harnoncourt (Teldec) Gardiner (Philips) ou Hogwood (L’oiseau‑Lyre).
L’alchimie de cette tragédie
fulgurante n'est pas évidente. Le travail du chef est d'autant plus
compliqué que Purcell sait raconter en moins d'une heure ce que ses
collègues italiens ou français de l'époque ne savaient faire en moins de
trois. Avec son enregistrement de Vénus et Adonis de John Blow («
Choc »), René Jacobs avait livré le premier volet d'un diptyque consacré à
l'opéra anglais du XVIle siècle. Ce succès annonçait une suite heureuse. Or,
si elle n'est pas ratée, cette nouvelle version de Didon et Enée
laisse rêveur. Contrairement à la version « minimaliste » de William
Christie (Erato, « Choc »), celle‑ci joue la carte du grand spectacle,
soulignant les traits imitatifs (la tempête) et les rythmes de danse. C'est
finalement le côté divertissement que l'on retient. La caverne des sorcières
est plus amusante (Dominique Visse y est pour beaucoup) que vraiment
maléfique, et la plainte finale marque plutôt un « antisommet » que la
culmination de l'oeuvre. La distribution, correcte, ne laisse pas non plus
une impression forte. Lynn Dawson chante irréprochablement mais sans émotion
et Gerald Finley est un Enée anodin.
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