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"Charpentier" |
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Ainsi se présentait Charpentier
dans son étonnante pièce en latin intitulée Epitaphium Carpentarii
dans laquelle il se met lui‑même en scène: il imagine qu'il revient sur
terre après sa mort, sous l'aspect d'une ombre, et se penche sur sa vie avec
un curieux mélange d'humilité et d'amertume.
On peut dire que trois siècles
plus tard, Charpentier a pris une sorte de revanche. Ainsi, aujourd'hui, il
est le compositeur français de l'époque baroque le plus présent au disque.
Depuis les années 1950, son oeuvre monumentale qui compte plus de 550
numéros a été enregistrée pour plus de la moitié. Cette diffusion, tout à
fait exceptionnelle, a permis de reconsidérer la place de Charpentier dans
le paysage musical occidental. Pourtant, l'homme garde toujours son mystère
et, malgré d'importantes études (notamment celles de Patricia M. Ranum), il
est difficile de savoir exactement qui il était, comment il a vécu, quelle
était la nature de ses relations avec ses contemporains, les musiciens et
les autres. Seule, son épitaphe laisse percevoir les sentiments qui
pouvaient être les siens à un moment de sa vie, probablement peu de temps
avant son arrivée à la Sainte‑Chapelle en 1698, c'est-à‑dire après avoir
réalisé l’essentiel de sa carrière et supporté maints tourments.
Âgé d'une vingtaine d'années,
Charpentier part à Rome où il demeure trois ans. Il y côtoie notamment
Giacomo Carissimi, considéré alors comme le plus grand compositeur romain de
l’époque. Auteur de cantates et de motets, Carissimi était surtout fameux
pour les histoires sacrées (ou oratorios) qui étaient jouées à l'oratoire de
l’Archiconfraternità del San Crocifisso, dans l'église San Marcello.
Charpentier retiendra la leçon puisqu'il composera de nombreuses histoires
sacrées en latin et sera d'ailleurs le seul Français de cette période à
s'être attaché au genre avec autant d'assiduité. Ses premières pièces dans
ce domaine se ressentent du style de son aîné, tant dans les thèmes traités
(Abraham, le jugement dernier, le jugement de Salomon) que dans l'écriture
proprement dite. Mais on trouve d'autres influences romaines dans l'oeuvre
de Charpentier, comme celle de Bonifazio Graziani ou de Francesco Foggia.
Charpentier fut aussi manifestement impressionné par les grandes
compositions polychorales que l'on pouvait alors entendre dans les églises
romaines. Comme il fit pour le célèbre Jephté de Carissimi, il
recopia avec application la Missa mirabiles elationes Maris sexdecimus
vocibus de Francesco Beretta qu'il fit suivre de Remarques sur les
Messes à 16 parties d’Italie dans lesquelles il se livre à une analyse
critique, et il compose luimême, quelques années plus tard, une Messe à
quatre choeurs, exemple unique en France.
À Rome, Charpentier rencontre
aussi un de ses compatriotes, Charles Coypeau d'Assoucy qui dresse du
compositeur un portrait peu flatteur, mais de toute évidence inspiré par le
dépit d’être, quelques années plus tard, dédaigné par Molière. Un « original
» qui « a les ventricules du cerveau bien endommagés », un « fol à plaindre
» qui a « eu dans Rome besoin de [son] pain et de [sa] pitié », voici en
quels termes il décrit son rival. On aurait besoin d'autres témoignages pour
contrebalancer ces évidentes calomnies. Malheureusement, la discrétion de
Charpentier durant toute sa vie n’en a guère suscités.
Après ces années passées en
Italie, Charpentier revient à Paris à la fin des années 1660. Protégé par
Marie de Lorraine, princesse de Joinville, duchesse de Joyeuse et duchesse
de Guise, il s'installe dans son hôtel particulier de la rue du Chaume,
actuelle rue des Archives. Il y demeure une vingtaine d'années.
À la Cour
En 1672, Molière demande à
Charpentier de remplacer Lully avec lequel il vient de se fâcher pour
assurer la partie musicale de ses comédies‑ballets. Le 8 juillet, le théâtre
du Palais royal reprend La Comtesse d’Escarbagnas et Le Mariage
forcé avec une nouvelle musique de Charpentier. Le 30 août suit une
reprise des Fâcheux dont la musique de Charpentier est perdue, tout
comme celle de Psyché, tragédieballet qui sera remise à la scène en
1684. Le 10 février 1673, le musicien peut donner la pleine mesure de son
talent dans une nouvelle pièce de Molière, Le Malade imaginaire.
Malheureusement, le comédien meurt à la quatrième représentation, ce qui met
fin à la collaboration des deux artistes. Par ailleurs, le compositeur est
victime de lettres patentes émanant de Lully à l'encontre de la troupe de
Molière ; il doit ainsi réviser la partition de son Malade imaginaire
afin de se conformer aux restrictions du nombre de chanteurs et
d'instrumentistes autorisé par le surintendant de la Musique du roi sur les
scènes autres que celle de l’Académie royale. Charpentier continue cependant
de travailler pour la Troupe du roi nommée à partir de 1682 Comédie
française ; il compose la musique de pièces « à machines » (Circé,
L’Inconnu) dont les auteurs sont Thomas Corneille et Jean Donneau de
Visé. En 1682, pour la reprise d'Andromède de Pierre Corneille, il
écrit une nouvelle musique de scène, la première ayant été effectuée en 1650
par d'Assoucy. Malgré les difficultés croissantes imposées par la
toute‑puissance de Lully, Charpentier poursuit son activité à la Comédie
française avec Les
Fous
divertissants
(1680), La Pierre philosophale et Endimion (1681), Le
Rendez‑vous des Tuileries, Angélique et Médor, Vénus et Adonis
(1685) et une reprise du Malade imaginaire à Versailles en janvier
1686. Dans les comédies‑ballets écrites en collaboration avec Molière,
Charpentier montre de grandes dispositions pour la musique de théâtre, aussi
bien dans la composition des danses que des scènes comiques de caractère
grotesque (« La la la bonjour| ! » du Mariage forcé) ou mêlant le
parlé et le chanté (premier et troisième intermèdes du Malade imaginaire).
Dans les pièces « à machines » comme Circé ou Andromède,
oeuvres de pur divertissement, la musique qui s'insère entre ou à
l'intérieur des actes récités ne forme qu'un « ornement », alors que la
première place revient aux décors et aux machineries extraordinaires qui
faisaient le succès de ces oeuvres.
Bien
que Charpentier n’ait jamais eu dé poste officiel à la Cour, il fut
cependant sollicité, à diverses occasions, à prendre part au cérémonial
royal. Au début des années 1680, il est chargé d'écrire la musique pour les
offices religieux du Dauphin. Rendant visite à son fils, Louis XIV a le
loisir d'apprécier les compositions de Charpentier, comme en ce jour d’avril
1681 où, arrivant à Saint-Cloud, il « congédia toute sa Musique, et voulut
entendre celle de Monseigneur le Dauphin jusqu'à son retour à Saint‑Germain.
Elle a tous les jours chanté à la messe des motets de Mr Charpentier, et Sa
Majesté n'en a point voulu entendre d'autres, quoiqu'on lui en eût proposé
». Les oeuvres composées pour le Dauphin sont essentiellement des petits
motets sur des textes de psaumes pour deux voix féminines et une basse,
accompagnées parfois par des flûtes, chantées et jouées par des musiciens du
roi, les soeurs et frères Pièche. En avril 1683, Charpentier, ambitionnant une reconnaissance à sa mesure, se présente avec trente‑cinq autres musiciens, au concours du recrutement des sous‑maîtres de musique pour la Chapelle Royale. Malheureusement, la maladie l’empêche d’aIler jusqu'au bout des épreuves. Quelques mois après le concours, la reine de France MarieThérèse meurt. Pour célébrer sa mémoire, Charpentier écrit trois superbes pièces : une sorte de grande histoire sacrée In obitum augustissimae nec non piissimae Gallorum reginae lamentum suivie d'un De profundis, et le petit motet Luctus de morte augustissimaoe Mariae Theresiae reginae Galliae. Charpentier est encore musicalement présent auprès de la famille royale pour fêter la guérison de la fistule de Louis XIV En février 1687, il reçoit une commande de l’Académie de peinture et de sculpture pour faire jouer dans l'église des Prêtres de l'oratoire de la rue Saint‑Honoré un Te Deum et un Exaudiat « à deux choeurs de musique » de sa composition afin de « rendre grâces à Dieu du rétablissement de la santé du roi ».
Musique pour les couvents
À la
mort de Mlle de Guise en 1688, Charpentier est employé par les Jésuites dans
deux de leurs établissements parisiens. Il devient maître de musique du
collège Louis‑le‑Grand, rue SaintJacques, puis de l'église Saint‑Louis, rue
Saint‑Antoine. Dans son Catalogue des livres de musique, Brossard explique
le choix des Jésuites, Charpentier ayant « toujours passé au goût de tous
les vrais connaisseurs pour le plus profond et le plus savant des musiciens
modernes. C'est sans doute ce qui fit que les Révérends Pères Jésuites de la
rue Saint‑Antoine le prirent pour le maître de la Musique de leur église,
poste alors des plus brillants ». Pendant dix ans, Charpentier compose un
nombre important de pièces qui reflètent l'extrême diversité des cérémonies
jésuites : psaumes, Magnificat, hymnes et antiennes pour les vêpres, messes,
leçons de ténèbres, motets pour la Vierge, pour les saints, pour le
Saint‑Sacrement...
Dès l'installation des Jésuites en France au
milieu du XVIe siècle et la fondation des premiers collèges, les
représentations théâtrales scolaires s'étaient rapidement intégrées dans le
programme d'éducation. Il s'agissait de pièces en latin, sur un sujet pieux.
Très vite, des intermèdes dansés ou chantés en français s'insérèrent à
l'intérieur des tragédies. En effet, devant le succès remporté par l'opéra
lullyste, le théâtre jésuite se devait d'être aussi présent dans ce domaine.
Ainsi, les intermèdes musicaux prirent de plus en plus d'ampleur, si bien
qu'ils constituèrent de véritables tragédies en musique. L’exemple le plus
achevé de cette évolution est le David et Jonathas du Père François
Bretonneau et de Charpentier, représenté le 28 février 1688, conjointement
avec la tragédie latine récitée, sur le même sujet, intitulée Saül.
Un an auparavant, très exactement le 10 février 1687, Charpentier avait
présenté une autre pièce, Celse Martyr, dont la musique est perdue.
Heureusement, David et Jonathas nous est parvenu grâce à une copie du
bibliothécaire du roi, Philidor l'aîné. Comme la tragédie
lyrique,
David et Jonathas
comprend un prologue et cinq actes. Les proportions de l'oeuvre autorisèrent
les contemporains à la considérer comme un véritable « opéra », que l'on
peut même percevoir comme un défi au monopole de l’Académie royale, tout en
s'éloignant du modèle officiel joué à la Cour, par l'originalité de sa
conception et de son langage: absence presque totale de récitatifs, pas de
grands effets de machines, concentration de l'intérêt dramatique autour des
personnages (importance des monologues) et de leur psychologie
particulièrement mise en valeur par l'expressivité et la finesse de la
composition musicale. David et Jonathas est une oeuvre unique en son
genre, chefd'oeuvre du génial Charpentier et témoignage précieux de l'art
dramatique musical jésuite dont il reste si peu de traces.
Vers 1692‑1693, Charpentier donne
des leçons de composition à Philippe de Chartres, bientôt duc d'Orléans,
puis Régent à la mort de Louis XIV Pour parfaire son enseignement, le
musicien lui offre un petit traité manuscrit intitulé Règles de
composition où sont notamment répertoriés les caractères des modes : do
majeur « Dur et guerrier », do mineur « Obscur et triste », ré majeur «
joyeux et très guerrier », ré mineur « Grave et dévot », etc. Le 4 décembre
1693, alors qu'il a cinquante ans, Charpentier fait représenter à l'Académie
royale de musique Médée, son unique tragédie lyrique, sur un livret
de Thomas Corneille. Si David et Jonathas se distançait du modèle de
la tragédie lyrique, Médée se conforme au moule lullyste : prologue à la
gloire du roi, large place faite au récitatif, divertissements obligés comme
la scène des Enfers de l'acte III... Mais Charpentier ne put s'empêcher de
recourir à son écriture personnelle avec une veine mélodique remarquable, un
orchestre coloré et une harmonie recherchée qui porte le drame à des sommets
d'une rare beauté (grand air de Médée de l'acte III, mort de Créuse), ce à
quoi le public n'était pas accoutumé. Aussi l'oeuvre tomba‑t‑elle sous le
coup des « cabales des enviieux et des ignorants » au bout de quelques
représentations. Si Le Cerf de La Viéville qualifia Médée de «
méchant opéra », Brossard défendit l'ouvrage, affirmant que « c'est celui de
tous les opéras sans exception dans lequel on peut apprendre plus de choses
essentielles à la bonne composition ». Le 28 juin 1698, Charpentier est nommé maître de musique des enfants de la Sainte‑Chapelle où il reste jusqu'à sa mort survenue le 24 février 1704. Cette dernière période est aussi celle des chefs‑d'oeuvre avec la messe Assumpta est Maria, l'histoire sacrée Judicium Salomonis et le Motet pour l'offertoire de la Messe Rouge destiné à célébrer la rentrée annuelle du Parlement.
Une oeuvre monumentale
Très vite après sa mort,
Charpentier sombre dans un oubli quasi total. Les raisons d'un tel silence
semblent venir tout autant de l'homme dont l'existence modeste se déroula en
marge de la puissante Cour, que du créateur. En effet, l'oeuvre de
Charpentier ne suit pas toujours les canons de l'esthétique française de
l'époque et ne connut pas l'audience qu'elle méritait, ainsi que le
compositeur s'en plaint dans son épitaphe. Très peu de partitions (Médée,
airs sérieux et à boire) furent publiées de son vivant. L’essentiel de
son oeuvre est conservé en manuscrits autographes appelés Mélanges
qui constituent une collection unique en France pour cette époque. Ces
manuscrits nous renseignent d’abord sur la manière dont Charpentier
considérait son oeuvre. Tout au long de sa carrière, il prit un soin
méticuleux à recopier ses compositions dans de grands cahiers qu'il divisa
en deux séries numérotes, l'une en chiffres arabes (de 1 à 75), l'autre en
chiffres romains (de I à LXXIV). Certains manuscrits échappent à cette
classification et d'autres, en revanche sont perdus (environ un quart de
l'oeuvre). À la mort de Charpentier, ce précieux legs se trouve entre les
mains de ses deux neveux, Jacques Édouard et Jacques-François Mathas. Le
premier est libraire et édite en 1709 un recueil de petits motets qu'il
dédie au duc d'Orléans, mais ne poursuivra pas l'entreprise, apparemment
faute de succès. En 1727 il s'enquiert donc de vendre l'ensemble des
manuscrits à la Bibliothèque royale pour la somme modique de 300 livres.
Charpentier a abordé tous les
genres de son époque, tant profanes que sacrés. Il fut précurseur dans le
domaine de la sonate et de la cantate avec plusieurs pièces en italien (Serenata
a tre voci e simphonia) et en français (Orphée descendant aux
enfers). Il a encore écrit trente‑cinq airs sérieux et à boire allant du
registre galant (Auprès du feu l'on fait l'amour) à la chanson
bouffonne (Beaux petits yeux d'écarlate), en passant par des pièces
plus dramatiques (Tristes déserts, Stances du Cid). Mais l'aspect le
plus important de l'oeuvre de Charpentier appartient au domaine religieux.
Ici encore la diversité est immense: messes, motets, histoires sacrées.
Charpentier est le seul compositeur français qui se soit autant intéressé au
genre de la messe à une époque où celui‑ci était plutôt délaissé, sinon dans
le style ancien, sans instruments ou en plain‑chant. Sa production (onze
messes vocales et une messe instrumentale) demeure, à tous égards,
exceptionnelle. La variété apportée par les effectifs, la destination
liturgique et l'écriture ne l'est pas moins : style concertant (Messe à 8
voix et 8 violons et flûtes, Messe à 4 voix, 4 violons, 2 flûtes et 2
hautbois pour Mr Mauroy, Assumpta est Maria, Missa sex vocibus cum simphonia),
polychoralité (Messe à quatre choeurs), messes pour les défunts
(Messe pour les trépassés, Messe des morts à 4 voix, Messe des morts à 4
voix et symphonie), monodie et faux‑bourdon (Messe pour le Port
Royal), technique de la parodie (Messe de minuit). L’apport de Charpentier dans le cadre du motet est considérable. Du couvent à l'église, le compositeur a contribué aux nombreuses cérémonies religieuses de son temps, des plus intimes aux plus festives. On compte 83 psaumes, 48 motets pour l'élévation, 31 leçons de ténèbres, 42 antiennes, etc. Les psaumes se répartissent en trois groupes : ceux composés dans le style du grand motet, avec choeur et orchestre, ceux avec choeur et seulement la basse continue, et ceux pour solistes, de plus petites dimensions. Charpentier a traité sept fois le De profundis, six fois le Dixit Dominus et le Laudate Dominum omnes gentes, cinq fois le Beatus vir qui timet Dominus, etc. Les motets pour l'élévation ou le Saint Sacrement étaient chantés au cours de la messe ou lors des saluts. La voyelle « 0 » sur laquelle s'ouvre la plupart de ces motets est traitée par Charpentier d'une manière toujours très expressive (dissonances, accords entrecoupés de silences). Parmi les antiennes, celles pour la Vierge sont les plus nombreuses. Le texte du Salve Regina a suscité cinq versions dont une à trois choeurs d'une grande beauté, contenant des audaces harmoniques inouïes. Charpentier composa maints autres motets en l'honneur de la Vierge : parmi les dix Magnificat, celui « à trois voix sur la même basse avec symphonie » est le plus surprenant avec son tétracorde descendant répété quatre vingt neuf fois. Les histoires sacrées sont les oeuvres où l'influence italienne se fait le plus sentir. Au nombre de trente‑cinq, ces pièces en latin se divisent, selon H. W Hitchcock, en trois groupes : « historia », « canticum » et « dialogus ». Les « historiae » comme Judith, Caecilia virgo et martyr ou Mors Saulis et Jonathae sont les plus développées, utilisant le choeur, et pour la plupart d'entre elles, l'orchestre. L’histoire est narrée par un « Historicus » pouvant être un soliste, un petit ensemble de voix ou le choeur. Les « cantica » (Canticum in nativitatein Domini, Pour la fête de l'Epiphanie ... ) sont de proportions plus réduites et font appel à un effectif généralement composé de trois chanteurs et deux instruments concertants, L’action y tient un rôle restreint. Les « dialogi », comme l'indique le titre, reposent sur le principe du dialogue entre deux personnages, ou deux groupes de personnages (In circumcisione Domini/Dialogus inter angelum et pastores, Dialogus inter Magdalenam et Jesum ... ). Les histoires sacrées de Charpentier constituent une oeuvre dramatique et relgieuse sans précédent qui restera aussi sans postérité.
Charpentier composa peu d'oeuvres
instrumentales, mais certaines relèvent d'une grande originalité. Ainsi, la
Messe pour plusieurs instruments au lieu des » orgues dans laquelle les
instruments (flûtes, hautbois, cromorne) sont choisis en raison de leur
propriété à reproduire les divers registres de l’orgue français de l'époque.
Outre sa sonate, ses ouvertures, ses symphonies et ses offertes pour
l’église, ses Noëls sur les instruments témoignent encore de l'intérêt de ce
répertoire instrumental. Dans tous les genres que Charpentier a abordés, celui‑ci montre une égale maîtrise dans l'art de la composition. il sait se montrer profond et grave dans sa musique religieuse, émouvant ou léger dans sa musique de scène. Il est tout aussi à son aise dans les petites que dans les grandes formes. Son écriture chorale contrapuntique est admirable et il excelle dans la disposition en double choeur, voire en triple ou en quadruple choeur La musique de Charpentier tire essentiellement sa substance et sa singularité du mélange qu'il opéra entre les styles italien et français. Il emprunta à l'Italie de nombreux traits de son écriture tels que la souplesse de la mélodie, l'usage dramatique du silence et de la modulation, le goût du chromatisme et des dissonances. Critiqué pour l’aspect italianisant de sa musique, notamment par Le Cerf de La Viéville qui trouve ces oeuvres « pitoyables » ou son style « dur, sec et guindé à l'excès », l'art de Charpentier trouve quelques fidèles défenseurs comme Sébastien de Brossard qui sut en reconnaître la beauté (la « bonté ») : « C’est de ce commerce qu'il eut avec l’ltalie dans sa jeunesse que quelques Français trop puristes ou, pour mieux dire, jaloux de la bonté de sa musique ont pris fort mal à propos l'occasion de lui reprocher son goût italien ; car on peut dire sans le flatter qu'il n'en a pris que le bon, ses ouvrages le témoignent assez ». Comme s'exprimait avec lucidité Charpentier: « bon parmi les bons et ignare parmi les ignares»!
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