Analyste: Laura Rónai
Fermez le yeux, et
revenez 250 ans en arrière. Imaginez : vous venez d’avoir eu une journée
extraordinaire. La nuit tombe maintenant sur votre château, vous dégustez
votre meilleur cognac, votre servante met la dernière touche à votre tenue
la plus élégante, et vous vous préparez pour le clou de la semaine, un
concert de gala offert par la toute nouvelle sensation de la scène
européenne, un homme encensé pour sa voix son charme, son allure. Son nom ?
Farineilli.
Je sais que vous ne vivez
probablement pas dans un château, que de nos jours les servantes sont
difficiles à trouver, que personne n’a le temps de déguster ainsi son cognac
et que (bien heureusement !) nous ne saurons jamais à quoi ressemble la voix
d’un castrat. Mais la musique que chantait Farinelli nous reste accessible.
Même si vous ne vous intéressez pas à l’histoire de la musique et que les
pièces de bravoure vous laissent froid, il y a peu de chance que vous
restiez indifférent face à ce CD.
Les oeuvres qu’on y trouve
sont belles, intenses, grisantes. Elles pourraient sembler un peu
superficielles, mais la vie n’est pas faite que de choses profondes. Oubliez
le cognac, Vivica Genaux possède une voix enivrante : du champagne qui
pétille dans les registres élevés, une liqueur veloutée au chocolat dans les
basses. Son phrasé peut être doux et caressant, ou encore violent et
poignant, selon ce qu’exige la musique. Au total, elle nous offre un rendu à
la fois élégant et passionné. L’orchestre, sous la direction toujours
compétente de René Jacobs (lui-même un contre-ténor internationalement
respecté), fournit à une telle voix le pendant parfait, et parfois mieux
encore un opposant digne de ce nom.
Ce CD appartient
effectivement à cette bien rare catégorie : celle du disque conçu pour être
vendu, et qui mérite réellement d’être acheté
|
Reviewer:
Laura Rónai
Shut your eyes, and go back 250 years in time. Just imagine: you have had a
fabulous day. Now the night is falling on your castle, you are sipping your
best cognac, your servant adds the finishing touches to your fanciest
attire, and you get ready for the week’s highlight, a gala concert with
Europe’s newest singing sensation, a man celebrated for his voice, his
charm, his looks. His name? Farinelli.
We know
that you probably don’t live in a castle, servants are hard to find
nowadays, nobody has time for that leisurely sip of cognac, and
(fortunately, I guess!) we will never know what a castrato sounds like. But
the music that Farinelli sang is still accessible. Even if you are not
interested in the history of vocal music, and bravura pieces leave you cold,
you will not be able to remain indifferent to the present CD.
The
works recorded here are beautiful, intense, exhilarating. They might be a
bit superficial, but life isn’t made only of profound utterances. Forget the
cognac, Vivica Genaux has an inebriating voice: sparkling champagne in the
high register, velvety chocolate liqueur in the low. Her phrasing is
alternatively smooth and caressing, fierce or poignant, as the music
requires. Through it all, she manages to sound paradoxically elegant and
passionate. The orchestra, under the most competent direction of René Jacobs
(himself an internationally respected countertenor), provides the perfect
match to such a voice, and at times, something even better: its worthy
opponent.
Indeed, this CD belongs to that rare kind: the CD made to sell, which
actually deserves to be bought.
|