Analyste:
Roger-Claude Travers
Dès
les premières notes de l’incontournable Ut mineur R V 401 ‑ le plus
beau de tous, il est vrai ‑, naît déjà l'intuition qu'il s'agit d'un grand
disque. Le son est d'une extrême beauté, le tissu orchestral à
la fois somptueux et d'une trame fine, la technique instrumentale superbe et
l'esprit de chaque mouvement sera restitué avec Intelligence et élégance,
sans la moindre scorie outrancière. Qu'il chante gravement (Adagio du
RV 401), qu'il virevolte au milieu des triple‑croches, tel un Mercure
ailé (Allegro final du RV 417), là où Rostropovitch
recherchait l'affrontement, qu'il se lance, comme Bylsma, dans un tricotage
frénétique (Allegro final du RV419), ou qu'il médite
sereinement (Largo du RV 400), Roel Dieltiens nous laisserait
presque croire que jouer ainsi est facile et que Vivaldi ménageait ses
solistes, tant son chant est musicalement impeccable. Quant à la basse
continue, très étudiée, avouons notre faible pour les mouvements où la
contrebasse s'octroie le rôle mélodique du violoncelle continuo. Le duo
Dieltiens/Woodrow faisait merveille, déjà, dans le récital de sonates paru
chez Accent. Autre bonheur: la gravure des rares concertos de jeunesse
conservés à Wiesendheit (RV 423, 405, 415), dont les deux
derniers sont peut‑être apocryphes. Vivaldienne, la fugue nourrissant les
tutti du Finale du RV 415 ? Dieltiens tranche, et y
emploie le violoncelle piccolo ‑ instrument inconnu de Vivaldi -seule
solution historiquement compatible avec la date de composition (1708
environ), à laquelle l'emploi du pouce ‑ indispensable pour jouer toutes les
notes sur le violoncelle de taille normale ‑ n'était pas encore, pense‑t‑on,
en usage. Musiciens et musicologues, une fois encore, se rejoignent. Enfin,
à un instrument par partie, la richesse de texture et la sensualité
expressive de l'Ensemble Explorations tient du miracle. Le meilleur
enregistrement vivaldien depuis longtemps.
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