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Analyste: Olivier Rouvièere Ah, Farinelli ! Que n'a‑t‑on tenté pour lui redonner vie ! À l'écran, Gérard Corbiau (Farinelli, il castrato, 1993) lui offrit une voix de synthèse, bouture d'un soprano sur un contre‑ténor. A la scène, Sutherland et Horne refusèrent de l'incarner, affirmant qu'il leur aurait fallu additionner leurs tessitures respectives. Au disque pourtant, le modeste sopraniste Aris Christofellis ne craignit pas d'affronter les quatre fameux airs dont le castrat aurait bercé Philippe V d'Espagne durant dix ans (on en retrouve deux ici). Aujourd'hui, c'est à la mezzo américaine Vivica Genaux (qui sera prochainernent Rinaldo pour René Jacqbs,et Cenerentola au TCE) de relever le défi.
De tous les artistes évoqués, c'est de la spectaculaire Marilyn qu'elle se rapproche le plus : même timbre ardent placé dans le masque, même fermeté d'accent, même vélocité dans les vocalises (qui la fait triompher du martial Qual guerrier de Riccardo Broschi, le frère de Farinelli). La comparaison s'arrête là. Vivica Genaux est jeune. Trop peut‑être. Lui manquent encore le chic et l'inventivité de son aînée ; lui manquent surtout cette liberté impalpable du jeu, cet abandon hédoniste au plaisir de chanter, cette facilité apparente qui signale les grands belcantistes. Son Farinelli est trop formaté, parfois un peu gêné aux entournures (notamment dans le grave ‑ cadence de Quell'usignolo), le passage en voix de poitrine n'étant pas son fort (contrairement à Horne).
On craint pour
l'avenir : pourquoi René Jacobs, fin connaisseur des voix, n'attend‑il pas
un peu avant de jeter ses poulains dans l'arène ? Sans, d'ailleurs, les
aider outre mesure : on regrette ici une direction parfois corsetée, surtout
dans les airs lents. Est‑ce la basse très marquée qui rend Ombra fedele
si prosaïque ? Est‑ce le manque de confiance du chef dans les
capacités d'improvisation de sa diva qui l'incite à tenir ainsi des
airs langoureux dont le rubato, la volupté devraient être les pierres de
touche (Mancare, Dio, mi sento) ? Paradoxalement, ce sont les
pages les plus écrites, laissant peu de marge de manoeuvre à l'interprète,
qui sont les mieux servies (Dall'amor più sventurato), ainsi que le
Concerto de Galuppi, où l'orchestre gère parfaitement le rapport
subtil entre « colorisme » napolitain et héritage contrapuntique. Ailleurs,
on est forcé de constater que les airs taillés sur mesure pour Farinelli
s'épuisent sans sa voix, expression d'une personnalité qu'aucune chanteuse
n'a su retrouver. |
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