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Analyste: Coralie Welcomme
C'est en 1638
que Caspar Kittel, compositeur et maître de chant accompli, publie cet
ensemble de pièces vocales figurant alors parmi les tout premiers recueils
de chants profanes en langue allemande. Des pièces qui surprennent par leur
intelligence musicale, ainsi que par l'admirable osmose obtenue entre le
texte et la musique ; évidents témoins de la maîtrise vocale et réceptacles
des influences culturelles. Inspiré par l'art poétique, Kittel fut en effet
surtout marqué par Orpiz et les jeunes poètes formés à son école. Et nul ne
pourra manquer de remarquer les accents italiens qui, dans l'écriture comme
dans la forme, donnent toute leur flamme à ces Airs et Cantates (le début de
l’Air 14, « Ein ieglich Ding hat seine Zeit », ne vous rappelle‑t‑il
pas certaines ritournelles de Monteverdi ?). Bien sûr, Caspar Kittel n'est
ni Schütz, ni Monteverdi, mais son génie est pourtant manifeste dans ces
véritables peintures sonores qui ne peuvent que nous séduire. Fort de ces
présupposés rhétoriques et d'une connaissance maintenant bien assise en
matière d'écriture italienne, René Jacobs rend justice à ce compositeur qui
ne méritait pas un tel oubli. Le chef navigue entre la douceur allemande
d'un chant profane qui s'éloigne à peine du sacré et la fougue péninsulaire
qui brise les carcans et exploite, à sa manière, les fondements de l'Art
nouveau. Portés par un ensemble instrumenta léger et savoureux, les
chanteurs trouvent un juste équilibre au sein de ces enchevêtrements
rhétoriques, passant de la dimension spirituelle à la jouissance sonore avec
beaucoup d'effets. On regrettera cependant que la justesse soit parfois
assez relative (surtout en ce qui concerne Johanna Stoikovic), et que les
contrastes ne soient pas plus marqués au niveau de la voix. Si l,Air 14
possède une dynamique enivrante, l'air suivant (« Ihr schwarzen Augen,
ihr ») s'endort dans une pesanteur un peu statique du fait que les
chanteuses semblent y maintenir un forte presque identique du début à
la fin Mais ce sont là des détails que l'on pardonnera, car la beauté,vivace
et envoûtante de ce disque, malgré ses petites inégalités, a su nous charmer
l'oreille. |
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