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Il y a plus de 70 ans, les séquences des chants grégoriens et les musiques polyphoniques comme celles de Tomás Luis de Victoria ont marqué mes expériences musicales à l’époque – dans les années 1949-53 –, où j’étais petit chanteur, sous la direction du maître Joan Just, au sein du chœur d’enfants du « Collège des Esculapes » à Igualada. Être submergé par la beauté de ces musiques, durant ces années de jeunesse, a certainement laissé des traces durables et façonné certains aspects de mon éducation en tant que chanteur, et spécialement ma sensibilité musicale. Le souvenir de ces chants envoûtants eut aussi une influence décisive dans le choix que je fis d’étudier le violoncelle, quelques années plus tard – au seuil de mes 15 ans –, juste après la soirée où j’assistai avec émerveillement à une répétition du Requiem de Mozart. Ce fut après cette soirée d’une si rare intensité, et grâce encore au chef Joan Just qui dirigeait le chœur de la Schola Cantorum d’Igualada, que je décidai de devenir musicien, en prenant conscience du pouvoir de la musique. Suivront ensuite les années d’étude au Conservatoire de Barcelone (diplôme de violoncelle en 1964), puis la découverte de la Viole de gambe (1965), avec les études spécialisées et les périodes de recherche dans les anciennes bibliothèques d’Europe et du Nouveau Monde, les années d’étude à Bâle (1968-70) et d’enseignement à la SCHOLA CANTORUM BASILIENSIS (1973-93), suivies de la fondation des différents ensembles ; HESPÈRION XX (1974), LA CAPELLA REIAL (1987) et LE CONCERT DES NATIONS (1989), avec lesquels nous réaliserons de nombreuses tournées de concerts et d’enregistrements, et enfin la création du Label discographique ALIA VOX (1998). Tout cela rendra possible notre ample fréquentation des répertoires dans l’univers des musiques anciennes, et en fin de compte, comme c’est le cas pour l’enregistrement que nous présentons ici avec Victoria : un émouvant retour aux liens fondamentaux avec les racines primordiales. Les informations essentielles sur Tomás Luis de Victoria et sur son OFFICIUM sont magistralement étudiées dans les articles de Josep Maria Gregori et Rui Nery publiés dans ce livret. Mais rappelons brièvement que Victoria naquit en 1548 à Ávila, également berceau de Sainte Thérèse. Après sa formation comme choriste à la cathédrale, il fût envoyé à Rome à l’âge de 17 ans, pour étudier au Collège Germanique. C’est dans cette institution prestigieuse, fondée par Ignace de Loyola, qu’il acquit rapidement une très grande notoriété. Il faut savoir qu’à cette époque, le niveau d’excellence musicale exigé dans les principales cathédrales d’Espagne, tant pour les Maîtres de chapelle que pour les choristes, était très élevé. A titre d’exemple, voici les épreuves qu’a dû réaliser le grand Francisco Guerrero, en tant que candidat à la Maîtrise de Chapelle de la cathédrale de Málaga: « 1) Cantar a primera vista un canto llano elegido al abrir al azar un libro de coro ; 2) Interpretar ante sus oponentes, así como ante el cabildo de Málaga, el motete que hubiera compuesto después de la una en punto de la tarde del dia anterior sobre un texto obligatorio, y 3) cantar un contrapunto que no se hubiese visto previamente, primero a una parte, luego a duo y finalmente a trio. » [1) Chanter à première vue un plain-chant choisi au hasard dans un livre de chœur ; 2) Interpréter face à ses opposants et tout le Chapitre de Malaga, le motet qu’il aura composé à partir d’Une heure pile de l’après-midi de la veille, sur un texte obligatoire ; et 3) chanter un contrepoint non vu auparavant, d’abord à une seule partie, puis à duo, et finalement à trio.] Aucune personne si elle ne possédait pas un talent spécial, et surtout une grande facilité pour l’improvisation ne pouvait réussir dans ces épreuves. Francisco Guerrero, l’un des plus grands compositeurs à côté de Morales et Victoria, fût élu à l’unanimité. Pour Victoria, le fait que le Collège ou il étudiait à Rome était sous le patronage de l’église et du roi Philippe II, et le succès de ses œuvres, lui permirent de faire publier la majeure partie de sa production de son vivant. C’est paradoxalement après son retour en Espagne et à la fin de sa vie, qu’il aura des difficultés pour éditer ses dernières œuvres, comme on peut le constater dans sa lettre adressée au « capellan de su Magestad » au « Serenísimo Señor Francesco Maria II della Rovere, duc d’Urbino ». Voici le passage en question : « Y se sirva V. Altª de haçerme alguna mrd (merced) para ayuda a la estampa que la que se me hiçiere agradeceré toda mi vida y suplicaré á nro S. por la de V. Altª. Etc., Madrid 10 junio de 1603 ». (Et s’il plaît à Son Altesse de me faire la grâce de l’impression pour laquelle je Lui aurai une reconnaissance à vie et je supplierai notre Seigneur pour la grâce de Votre Altesse. Etc. à Madrid le 10 Juin 1603). Deux autres notes urgentes de la même année, nous révèlent l’urgence de son besoin : un « Poder para cobrar del Arzobispo de Santiago los maravedises corridos de la pensión que tiene del obispado de Segovia (Madrid, 30 septiembre 1603) [Pouvoir permettant de recevoir de L’archevêque de Saint-Jacques les émoluments dûs de la pension provenant de l’Évêché de Ségovie] et un autre du même « A Diego Fernández de Córdoba, para cobrar los maravedises corridos…de la pensión de 150 ducados que tiene de renta en cada un año sobre el obispado de Córdoba » (Madrid, 1º Octubre de 1603) [Diego Fernández de Cordoue afin de recevoir les émoluments dûs… de la pension de 150 ducats, correspondant à sa rente de chaque année de la part de l’Évêché de Cordoue]. Finalement la retraite de Victoria en son pays natal, loin de lui rapporter la fortune qu’il refusait modestement, lui valut donc presque la pauvreté. Aborder en plein XXIe siècle l’interprétation d’un grand chef-d’œuvre religieux, qui a été créé il y a plus de 400 ans, pour la célébration d’offices liturgiques de son temps très concrets, nous met face à quelques questions primordiales et autant de défis exceptionnels. Comment imaginer l’interprétation actuelle, d’une telle composition si étroitement associée au culte chrétien de la Contre-réforme, qui puisse rester fidèle à l’idée du compositeur et de la pratique de son époque et en même temps nous transmettre toute sa beauté et sa spiritualité, sans négliger sa fonction liturgique ? Quelle est l’essence d’un chef-d’œuvre qui rend possible, qu’une musique composée en 1585 puisse encore aujourd’hui nous émouvoir et nous toucher profondément ? Jusqu’à quel point la dimension artistique de cette œuvre d’art, peut-elle devenir indépendante du contexte liturgique qui l’a motivée ? Pouvons-nous sentir pleinement aujourd’hui toute la force spirituelle et toute la beauté de ces chants grégoriens et de ces anciennes polyphonies dans une totale indépendance de leur fonction liturgique, pour laquelle ils ont été créés ? Comment faire, en tant que musiciens et chanteurs du XXI siècle, pour saisir pleinement le profond message spirituel et le sens artistique que nous transmet Tomás Luis de Victoria avec cet immense chef-d’œuvre ? Finalement les réponses à toutes ces questions se trouvent dans la musique elle-même, ce qui veut dire qu’en dernier recours, c’est l’essence même de la musique qui peut nous délivrer les clés de son propre mystère. Nous savons que la musique ne supporte pas le mensonge, et celle de Victoria moins qu’aucune autre, c’est pourquoi elle demande aux interprètes une pureté d’engagement et de sensibilité extrêmes ; chaque voix, chaque instrument doit faire sien le sens profond de chaque mélodie, de chaque modulation, et partager avec les autres voix le besoin absolu de trouver le sens, et surtout « la grâce ». « Cette grâce – comme disait Lafontaine – plus belle que la beauté, parce qu’elle touche directement notre âme ». C’est pourquoi, avant tout il y a l’étude du document original, parce que toute transcription est déjà une interprétation. Il nous a fallu d’abord étudier l’édition originale de ce recueil imprimé à Rome en l’année 1585, avec le titre OFFICIUM HEBDOMADÆ SANCTÆ et le compléter avec les correspondantes Antiennes grégoriennes, tout spécialement pour les Passions, sur lesquelles Victoria n’a composé qu’une partie des vers (21 vers pour la Saint Mathieu et 14 pour la Saint Jean), correspondants aux passages où interviennent plusieurs personnages. En contraste avec d’autres pièces de l’Officium, comme Tantum ergo, Vexilla regis, faites selon les traditions espagnoles « moro hispano », dans les deux Passions, Victoria se conforme au chant grégorien de la tradition en usage à Rome. C’est pour cette raison que nous nous sommes basés sur le CANTUS ECCLESIASTICUS de Giovanni Domenico Guidetti (IOHANNE GVIDETTO BONONIENS dans l’édition imprimé) pour la reconstruction des parties grégoriennes de l’Évangéliste et de Jésus, correspondantes aux deux Passions de Saint Mathieu et Saint Jean incluses dans l’Officium. (Réalisées et chantées magistralement par notre « cantor » et celebrans Andrés Montilla-Acurero). Giuseppe Baini nous rappelle dans ses Memorie storico-critiche della vita e delle opere di Giovanni Pierluigi da Palestrina (Roma, 1828) que « Siccome poi Tommaso Lodovico da Vittoria spagnuolo nel 1585, cioè l’anno innanzi che il Guidetti publicasse il Passio in canto fermo, fece imprimere in Roma per Alessandro Gardano l’uffizio della settimana santa posto in musica a 4. e 5. voci ; e v’inserì le parole delle turbe del passio modulate d’una maniera veramente squisita, e che non può immaginarsi migliore; cotal musica, e siffatto modo di cantare il passio con le turbe in canto armonico figurato fu ben presto adottato della nostra cappella, esempio che in appresso seguirono anche le altre basiliche di Roma ». [« Puis, un Espagnol, Tommasso Ludovico da Vittoria en 1585, c’est-à-dire l’année avant que Guidetti ne publie sa Passio in canto fermo, fit imprimer à Rome par Alessandro Gardano la mise en musique pour 4 et 5 voix de l’Office de la Semaine Sainte à Rome ; et inséré les paroles de Turbae de la Passion, modulées de façon exquise et qu’on ne peut imaginer meilleures ; la musique de la Passion avec la Turbae chantée et figurée harmoniquement qui fut bien interprétée par notre chapelle, exemple qui prouve que nous avons suivi aussi les autres basiliques de Rome ».] D’autre part, pour le reste des pièces de l’Officium, nous avons distribué les 14 chanteurs disponibles en fonction du caractère de chaque pièce, la plupart du temps a capella pour les interventions à 4, 5 ou 6 voix seules (semblables aux traditions du coro favorito), et les parties doublées pour les moments homophoniques ou de grande intensité dramatique (équivalentes aux traditions des coro ripieno). Nous nous sommes inspirés aussi des pratiques habituelles dans les églises d’Espagne de cette époque, pour ajouter un ensemble d’instruments : 4 violes de gambe, une dulcian et un violone. Pour toutes les introductions et les transitions instrumentales, nous avons utilisé exclusivement des pièces du même Officium, en ajoutant les instruments en ripieno pour le renforcement dynamique dans les pièces nécessitant une intensité plus forte. Dès 1553 le « Cabildo (Chapitre) de Toledo » signe un contrat pour 20 ans à trois « virtuosos ministriles altos », chacun pouvant choisir son propre assistant. La même chose se produisait dans d’autres cathédrales comme Séville, où l’on avait constaté que la présence des « ministriles » dans les fêtes religieuses, faisait augmenter la dévotion. On accordait alors que « Sería muy útil y perfectamente compatible con las Escrituras Sagradas, hacer uso de todo tipo de música instrumental en esta catedral, […] y además, todas las demás catedrales de España, a pesar de que quizá tengan ingresos menores, emplean constantemente la música instrumental ». (Catedral de Sevilla, A.C. 1553-1554, fol. 56v). [Il serait très utile et parfaitement compatible avec les Saintes Écritures d’utiliser toute sorte de musique instrumentale dans cette cathédrale (…) et, de plus, toutes les autres cathédrales d’Espagne, même quand elles ont des moyens inférieurs, utilisent la musique instrumentale ».] Le travail de proximité avec ces œuvres d’art absolues, composées par ces grands maîtres de la musique de tous les temps, me fait penser à deux questions essentielles : l’une sur le mystère de la création qui rend possible le miracle de l’art et l’autre sur l’étonnant retard de la prise de conscience de cette qualité immortelle de l’œuvre d’art absolue dans le domaine de la musique. En effet pour la musique, il a fallu attendre le début du XIXe siècle, pour que la reconnaissance d’œuvres d’art dans les répertoires anciens ait finalement lieu et que puisse ainsi commencer une véritable renaissance, se produisant grâce à la progressive découverte de la production longtemps oubliée des grands compositeurs des siècles précédents. Stefan Zweig, dans un texte qu’il présenta aux États-Unis à l’occasion d’une tournée de conférences données de la fin de 1939 jusqu’en février 1940, nous parle du miracle de l’art qui se produit « quand ce quelque chose de nouveau, de brusquement né n’est pas périssable, quand il ne se fane pas comme une fleur, ne meurt pas comme un être humain, mais survit à tous les temps, reste éternel comme le ciel, la terre, la mer, le soleil, la lune et les étoiles ». « Ce miracle où quelque chose naît de rien et pourtant défie les temps, il nous est donné de le vivre de temps à autre dans une sphère : celle de l’art. Nous savons qu’il paraît chaque année dix mille, vingt mille, cinquante mille livres ; nous n’ignorons pas que l’on peint cent mille tableaux et compose des millions de mesures. Tout cela ne provoque chez nous aucune réaction particulière. Que des livres soient écrits par des écrivains ou des poètes nous paraît tout aussi naturel que le fait que ces livres soient composés par des typographes, imprimés par des imprimeurs et reliés par des relieurs. C’est pour nous un simple phénomène de la production, comme la fabrication quotidienne du pain ou celle des bas ou des chaussures. L’étonnement ne commence que quand un de ces livres, un de ces tableaux, grâce à sa perfection, survit à l’époque qui l’a vu naître et à beaucoup d’autres. Dans ces cas, et seulement dans ces cas, nous sentons que le génie s’est incarné dans un homme et que le mystère de la création s’est reproduit dans un œuvre. […] Il a brisé la loi dans laquelle nous sommes enfermés, il a vaincu le temps, car, tandis que nous mourons et passons sans laisser de traces il en a laissé, lui, qui ne s’effaceront pas. Pourquoi ? Uniquement parce qu’il a accompli cet acte divin de la création par quoi quelque chose naît de rien et ce qui est périssable devient durable. Parce qu’en lui s’est manifesté le mystère le plus profond de notre monde, celui de la création ». L’OFFICIUM HEBDOMADÆ SANCTÆ de Tomás Luis de Victoria est un des plus forts exemples du génie créateur d’un compositeur, qui réussit un immense chef-d’œuvre mystique et déchirant sur la Passion de Jésus-Christ, créé purement, mais avec une subtilité infinie, Ad majorem Dei gloriam.
JORDI SAVALL |
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ENGLISH VERSION More than 70 years ago, the sequences of Gregorian chant and polyphonic music such as that of Tomás Luis de Victoria made a profound impression on my musical experience at that time from 1949 to 1953, when I was a chorister under the direction of Joan Just in the boys’ choir of the Piarist school at Igualada, Catalonia. To have been submerged in the beauty of that music during my childhood unquestionably made a lasting impact and shaped certain aspects of my education as a chorister, and particularly my musical sensibility. The memory of those spellbinding chants also had a decisive influence on my choice to study the cello a few years later, just before I turned 15, when I was spellbound one evening at a rehearsal of Mozart’s Requiem. It was after that evening of extraordinary intensity, and thanks to Joan Just, who conducted the choir of the Schola Cantorum in Igualada, that I fully realized the power of music and decided to become a musician. There followed years of study at the Barcelona Conservatoire (diploma in violoncello in 1964), then my discovery of the viola da gamba (1965), specialist studies and periods of research in the ancient libraries of Europe and the New World, my years of study in Basel (1968-70) and teaching at the SCHOLA CANTORUM BASILIENSIS (1973-93), followed by the founding of various ensembles: HESPÈRION XX (1974), LA CAPELLA REIAL (1987) and LE CONCERT DES NATIONS (1989), with which we made numerous concert tours and recordings, and finally the creation of the record label ALIA VOX (1998). All of this led to our wide-ranging familiarity with repertories in the world of early music, and, as is the case of the Victoria recording that we present here, a moving return to my deepest roots. The essential facts about Tomás Luis de Victoria and his OFFICIUM are splendidly discussed in the articles by Josep Maria Gregori and Rui Nery in this booklet. But let us briefly recall here that Victoria was born in 1548 in Avila, the birthplace of St. Teresa. After training as a chorister at the cathedral, at the age of seventeen he was sent to Rome to study at the Collegium Germanicum. It was at this prestigious institution, founded by Saint Ignatius of Loyola, that he rapidly rose to fame. It should be noted that the level of musical excellence required at the leading cathedrals of Spain at that time, both for chapelmasters and choristers, was extremely high. By way of example, the following is a list of the tests that the great Francisco Guerrero had to take as a candidate for the position of chapelmaster at Malaga Cathedral: The candidate was required to “1) Cantar a primera vista un canto llano elegido al abrir al azar un libro de coro; 2) Interpretar ante sus oponentes, así como ante el cabildo de Málaga, el motete que hubiera compuesto después de la una en punto de la tarde del día anterior sobre un texto obligatorio; y 3) cantar un contrapunto que no se hubiese visto previamente, primero a una parte, luego a dúo y finalmente a trío.” [1) sight-sing a plainsong chosen at random from a choirbook; 2) perform before his competitors, as well as the Chapter of Malaga Cathedral, the motet he had been instructed to compose on a set text from precisely 1 p.m. the previous day, and 3) sing a previously unseen counterpoint, first as a one-part, then a duo and finally a trio.] No one who did not have a special talent, and, above all, a great gift for improvisation, could pass such tests. Francisco Guerrero, one of the greatest composers alongside Morales and Victoria, was unanimously selected. The fact that the College where Victoria studied in Rome was under the patronage of the Church and King Philip II, as well as the success of his compositions, enabled him to publish the majority of his works during his lifetime. Paradoxically, it was after his return to Spain at the end of his life that he would encounter difficulties in publishing his final works, as we can see from a letter addressed to “His Majesty’s chaplain”, to “the Most Serene Lord Francesco Maria II della Rovere, Duke of Urbino.” This is the passage in question: “Y se sirva V. Altª de haçerme alguna mrd (merced) para ayuda a la estampa que la que se me hiçiere agradeceré toda mi vida y suplicaré á nro S. por la de V. Altª. Etc., Madrid 10 junio, 1603.” (If Your Highness will grant me assistance in publishing, I shall be grateful to him all my life and pray to Our Lord that he grants Your Highness grace. Etc., Madrid 10 June, 1603.) A further two pressing notes written the same year reveal the urgency of his need: “Poder para cobrar del Arzobispo de Santiago los maravedises corridos de la pensión que tiene del obispado de Segovia” (Madrid, 30 septiembre, 1603) (Authority to receive from the Archbishop of Santiago the sum of maravedises corresponding to his pension from the bishopric of Segovia, Madrid, 30 September,1603); and “A Diego Fernández de Córdoba, para cobrar los maravedises corridos…de la pensión de 150 ducados que tiene de renta en cada un año sobre el obispado de Córdova” (Madrid, 1 octubre, 1603) (To Diego Fernández de Córdoba, authority to collect the sum of maravedises…corresponding to the yearly pension of 150 ducats that he receives from the diocese of Cordoba, Madrid, 1 October, 1603). In the end, far from bringing Victoria the fortune that he had modestly refused, his retirement in his home country almost reduced him to poverty. To embark – well into the 21st century – on the performance of a great religious masterpiece composed more than 400 years ago for the celebration of the liturgical offices of its own very specific age poses a number of crucial questions and as many exceptional challenges. How are we to conceive a present-day interpretation of a composition so intimately associated with Christian worship in the Counter-Reformation, remaining faithful to the composer’s intention and the musical practice of his day, whilst at the same time ensuring that it conveys all the work’s beauty and spirituality without neglecting its liturgical purpose? What is the essential quality of a work of art which makes it possible for a piece of music composed in 1585 to continue to move and touch us deeply today? To what extent can the artistic dimension of that work of art exist independently of the liturgical context which inspired it? Can we today feel the full spiritual force and beauty of these Gregorian chants and ancient polyphonies completely independently of the liturgical purpose for which they were created? How can we, as musicians and singers of the 21st century, truly grasp the profound spiritual message and the artistic sense that Tomás Luis de Victoria conveys in this colossal masterpiece? Ultimately, the answers to all these questions are to be found in the music; in other words, in the last analysis, it is the essence of the music itself which provides the key to unlocking its mystery. We know that music admits no duplicity, least of all the music of Victoria, and that is why the utmost purity of commitment and sensibility are required of the performers: each voice, each instrument must own the profound meaning of each melody and modulation, sharing with the other voices the absolute need to find meaning and, above all, “grace.” As La Fontaine said, “Cette grâce plus belle que la beauté” (“That grace which is more beautiful than beauty itself”) because it directly touches our soul. So before all else, we must study the original document, since any transcription is in itself an interpretation. First of all, we had to study the original edition of the collection printed at Rome in 1585 under the title OFFICIUM HEBDOMADÆ SANCTÆ, and subsequently the corresponding Gregorian antiennes, especially in the case of the Passions, where Victoria composed only some of the verses (21 verses for the St. Matthew and 14 for the St. John), corresponding to the passages in which several characters intervene. In contrast to other pieces from the Officium, such as Tantum ergo, Vexilla regis, written in the “moro hispano”, or Spanish style, in the two Passions Victoria uses the Gregorian chant customary in the Roman tradition. We therefore based our reconstruction of the Evangelist’s and Jesus’s Gregorian parts, corresponding to the two Passions according to St. Matthew and St. John included in the Officium, on Giovanne Domenico Guidetti (JOHANNE GVIDETTO BONONIENS in the printed edition) CANTUS ECCLESIASTICUS (brilliantly performed and sung by our “cantor” and celebrant Andrés Montilla-Acurero). Giuseppe Baini reminds us in his Memorie storico-critiche della vita et della opere di Giov. Palestrina (Rome 1828) that “Siccome poi Tommaso Lodovico da Vittoria spagnuolo nel 1585, cioè l’anno innanzi che il Guidetti pubblicasse il Passio in canto fermo, fece imprimere in Roma per Alessandro Gardano l’uffizio della settimana santa posto in musica a 4. e 5. voci; e v’inserì le parole delle turbe del passio modulate d’una maniera veramente squisita, e che non può immaginarsi migliore; cotal música, e siffatto modo di cantare il passio con le turbe in canto armonico figurato fu ben presto adottato nella nostra cappella, esempio che in appresso seguirono anche le altre basiliche di Roma.” (“After the Spaniard Tomás Luis de Victoria in 1585, that is to say, the year before Guidetti published his Passio in canto fermo, set the Office for Holy Week to music for 4 and 5 voices, printed at Rome by Alessandro Gardano, and inserted the exquisitely and superbly modulated words of the Turbae from the Passion, the music of the Passion, including the Turbae, sung in florid chant, was soon adopted by our choir, proof that we have also followed the other basilicas in Rome.”) At the same time, for the other pieces in the Officium, we have distributed the 14 singers available, depending on the character of each piece, usually singing a capella for the interventions with 4, 5 or 6 solo voices (similar to the coro favorito tradition) and double parts for the homophonic moments or those of great dramatic intensity (equivalent to the coro ripieno tradition). We also drew on the habitual instrumental practice in Spanish churches at that time by adding an instrumental ensemble: 4 violas da gamba, a dulcian and a violone. For all the introductions and the instrumental transitions, we have used exclusively pieces from the Officium itself, adding instruments used in ripieno for dynamic reinforcement in the pieces that require greater intensity. In 1553 the Chapter of Toledo Cathedral signed three instrumental virtuosos to 20-year contracts, with the instruction that each should choose an assistant. Similar arrangements were made at other cathedrals such as Seville, where it was noted that the presence of ministriles, or instrumentalists, during religious celebrations increased devotion. It was agreed that “sería muy útil y perfectamente compatible con las Escrituras Sagradas, hacer uso de todo tipo de música instrumental en esta catedral, […] y además, todas las demás catedrales de España, a pesar de que quizá tengan ingresos menores, emplean constantemente la música instrumental.” (Catedral de Sevilla, A.C. 1553-1554, fol. 56v). (It would be very useful and perfectly compatible with the Holy Scriptures to make use of all kinds of instrumental music at this cathedral […], moreover, all other cathedrals in Spain, even though they may have lesser means, constantly use instrumental music.) Working closely with these absolute works of art composed by some of the great musical geniuses of all time suggests two fundamental questions: the first concerns the mystery of creation which makes the miracle of art possible, and the other addresses what an extraordinarily long time it took for the immortal quality of an absolute work of art in the field of music to be appreciated. In fact, in the case of music, we had to wait until the beginning of the 19th century for works of art in the early repertoires finally to be given recognition, thus paving the way for a true renaissance, thanks to the progressive discovery of long-forgotten works by the great composers of earlier centuries. In a text that he presented during a lecture tour to the United States from the end of 1939 until February 1940, Stefan Zweig referred to the miracle of art as occurring “when suddenly something new is born which does not perish, does not fade like a flower, does not die like a human being, but survives for all time and remains eternal like the sky, the earth, the sea, the sun, the moon and the stars […] Every so often we are privileged to experience this miracle of something being born out of nothing and yet defying the passage of time in another sphere: that of art. We know that every year ten thousand, twenty thousand, fifty thousand books are published; we are aware that a hundred thousand pictures are painted and millions of bars of music are composed. None of that strikes us as particularly odd. The fact that books are written by writers or poets seems as natural as those books being set by typographers, printed by printers and bound by bookbinders. We think of it as just an everyday phenomenon of production, like the daily baking of bread or the manufacturing of socks or shoes. We are only astonished when, thanks to its perfection, one of those books or paintings outlives not only the period in which it was created but many others besides. In these cases, and only in these cases, do we sense that genius has been incarnated in a human being and the mystery of creation has come about in a work of art. […] It has defied the laws by which we are bound: it has conquered time itself, because while we must die and vanish without a trace, it has left traces that will never be erased. Why? Solely because it has wrought the divine act of creation in which something is born out of nothing, and the perishable becomes durable. Because in genius the most profound mystery in the world is made manifest – that of creation.”
Tomás Luis de Victoria’s
OFFICIUM HEBDOMADÆ SANCTÆ is one of the most compelling examples of creative
genius in a composer, a toweringly poignant and masterpiece on the Passion
of Christ, a pure but infinitely subtle creation, | |
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