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Révision globale de Jordi Savall à partir de recherches, reconstructions et adaptations pour les chœurs et récitatifs, proposés par Alexander Grychtolik On connaissait depuis longtemps l’existence d’une troisième Passion de Bach basée sur l’évangile de saint Marc. De nombreuses études réalisées depuis la deuxième moitié du XXe siècle, par des musicologues et des musiciens spécialisés, ont confirmé que Bach a bien présenté, pour le Vendredi Saint de 1731, cette Passion sur un texte de Picander, que celui-ci a édité lui-même une année plus tard en même temps que le troisième tome de ses poésies. En 2009, l’existence de cette Passion de Bach est pleinement confirmée avec la découverte à Saint-Pétersbourg, d’une version plus tardive du livret utilisé pour une nouvelle exécution de l’œuvre qui eut lieu en 1744. Par rapport au livret de 1732, elle comporte certaines modifications des textes, ainsi que des emplacements différents des chorals et des airs, et aussi l’ajout de deux nouveaux airs. Cette nouvelle version permet de se faire une idée très précise de la forme et du contenu de cette troisième Passion de Bach. Malheureusement, jusqu’à nos jours, nulle trace des musiques originales n’a pu être découverte ; pas de partition autographe, ni de copie, pas de partie séparée qui puissent témoigner de leur existence réelle. Il est très troublant qu’autant de musique puisse disparaître, surtout venant d’un grand maître comme Bach. Actuellement, on peut donner une explication vraisemblable à ce troublant mystère ; après de nombreuses années de recherches, la plupart des historiens et musicologues spécialisés sur l’œuvre de Bach, sont d’accord pour dire qu’il s’agit d’une œuvre probablement conçue et réalisée par Bach, à partir de la technique du pasticcio, ou parodie. C’est un système que Bach a utilisé dans de nombreuses occasions, et qui permet la réalisation d’un montage différent, fait à partir de l’adaptation des nouveaux textes à d’autres œuvres existantes ayant un caractère spirituel similaire. D’après les recherches faites dans les années soixante par le Dr. Alfred Dürr, il semblerait évident que Bach a réutilisé la plupart des Chœurs et des Airs de son Trauerode (Ode Funèbre) BWV 198, donnée à Leipzig le 17 octobre 1727, en hommage funèbre à la princesse Christiane Eberhardine, Reine de Pologne et Princesse de Saxe; Laß Fürstin, laß noch einen Strahl (Laisse, princesse, laisse encore un rayon ) se transformant admirablement en Geh, Jesu, geh zu deiner Pein (Va, Jésus, va à ton supplice !). Après une étude approfondie de quelques-unes des principales versions réalisées jusqu’à nos jours, nous avons décidé de présenter une version qui serait seulement composée avec des emprunts basés sur l’œuvre de Bach lui-même, et non (comme le proposent certaines versions) de mélanger la musique de Bach avec les chœurs (turbae) et récitatifs de la Passion selon saint Marc de son contemporain et collaborateur Reinhard Keiser (1674-1739), ou en recomposant complètement les chœurs ou les récitatifs. Notre version suit exactement le texte de la version de 1744, – qui commente les chapitres 14 et 15 de l’évangile de Marc, depuis l’onction à Béthanie jusqu’à l’ensevelissement-, en donnant toujours la priorité à la musique de Bach, structurée à partir de l’adaptation du texte final de Picander aux sources originales d’œuvres de Bach, provenant de l’Ode funèbre, de la Passion selon Saint Matthieu, des différentes versions de la Passion selon Saint Jean et de certaines cantates : – Trois chœurs et trois airs extraits de l’Ode funèbre « Trauer-Ode » BWV 198/1 de 1727. – Trois airs issus de la première version de 1731 et deux de la deuxième version jouée en 1744, avec les textes adaptés à des airs d’autres cantates (BWV 2/5*, 54/1*, 173/3*, 171/4* et de la seconde version de la Passion selon saint Jean BWV 245a/11* (transposée une tierce mineure plus haute). – 16 Chorals selon les indications du livret de Picander : six provenant de la collection de chorals, trois de la Passion selon saint Matthieu, trois de la Passion selon saint Jean et quatre autres provenant de différentes cantates. – Pour les onze différents chœurs (turbæ), nous utilisons la proposition de A. F. Grychtolik qui se fonde principalement sur les textes de saint Marc adaptés sur des chœurs d’autres Passions de Bach ; – Première Partie : 4 petits chœurs de la S. Matthieu, BWV 244/4b/4d et 9b/9e**. – Deuxième Partie : Sur un total de 8 petits chœurs ; 3 de la S. Jean BWV 245/21b*/25b* et 4 empruntés à la S. Matthieu, et un à l’Oratorio de Noël BWV 248/45. – Pour les récitatifs, nous utilisons aussi la proposition de A. F. Grychtolik, qui se fonde principalement sur l’adaptation des textes de saint Marc à la musique de la Passion selon saint Matthieu (sauf les trois brefs récits nº 22, 33e et 45, qui sont des reconstructions). Nous désirons que l’interprétation de cette fascinante Passion ainsi reconstruite, nous permette de nous rapprocher de la manière la plus honnête et vraiment authentique du génie de Bach, tout en étant conscients qu’il restera toujours le mystère de cette absence et la conviction que, ce qu’il aurait fait avec son génie, est pour nous tous absolument inimaginable. JORDI SAVALL Perth, 16 février 2018
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ENGLISH VERSION Complete revision by Jordi Savall on the basis of research, reconstructions and adaptations for the choruses and recitatives proposed by Alexander Grychtolik
The existence of a third Passion by Bach based on the Gospel of St. Mark had long been known. Numerous studies carried out from the second half of the 20th century by specialist musicologists and musicians confirmed that on Good Friday, 1731, Bach presented this Passion set to a text by Picander, which the latter published one year later at the same time as his third volume of poetry. In 2009, the existence of this Passion was fully confirmed by the discovery at St. Petersburg of a later version of the libretto used for a new performance of the work, which took place in 1744. Compared with the 1732 libretto, it contains a number of modifications to the texts, as well as a different ordering of some chorales and arias and the addition of two new arias. Thanks to the new version, we have a very clear idea of the form and content of this third Passion by Bach. Unfortunately, so far no trace has been found of the original music. No manuscript score, copy or part-books provide evidence that it actually existed. It is disturbing that so much music should have disappeared, especially in the case of a great composer like Bach. However, it is now possible to account for this troubling mystery: after many years of research, most historians and musicologists specialising in the composer’s work agree that Bach probably conceived and performed the work using the pasticcio or parody technique. This was a system used by Bach on numerous occasions, which allowed him to achieve a different result by adapting new texts to other previously existing works of a similarly spiritual nature. According to the research carried out in the 1960s by Dr. Alfred Dürr, it appears that Bach reused most of the Choruses and Arias from his Trauerode (Funeral Ode) BWV 198, performed at Leipzig on 17th October, 1727, in a funeral tribute to Christiane Eberhardine, Queen of Poland and Princess of Saxony; Laß Fürstin, lass noch einen Strahl (Let, Princess, let one more ray) was admirably reworked as Geh, Jesu, geh zu deiner Pein (Go, Jesus, go to your suffering!). Following an in-depth study of some of the principal versions performed to date, we decided to offer one which would consist solely of loans from the works of Bach himself, in which, unlike some proposed versions, we chose not to combine music by Bach with the choruses (turbae) and recitatives of the St. Mark Passion by his contemporary and associate Reinhard Keiser (1674-1739) or with newly composed choruses or recitatives. Our version follows exactly the text of the version of 1744, which narrates chapters 14 and 15 of the Gospel according to St. Mark, from Christ’s anointing at Bethany to his burial. In doing so, our focus is Bach’s music, adapting Picander’s final text to original sources taken from Bach’s own works, such as the Funeral Ode, the St. Matthew Passion, different versions of the St. John Passion and a number of cantatas: – Three choruses and three arias taken from the Funeral Ode “Trauer-Ode” BWV 198/1 of 1727. – Three arias taken from the first version of 1731 and two from the second version performed in 1744, with the texts adapted to arias from other cantatas (BWV 2/5*, 54/1*, 173/3*, 171/4* and from the second version of the St. John Passion BWV 245a/11* (transposed a minor third higher). – 16 chorales following the indications in Picander’s libretto: six from the collection of chorales, three from the St. Matthew Passion, three from the St. John Passion and another four from various cantatas. – For the eleven different choruses (turbæ), we have used Alexander Grychtolik’s proposal, based chiefly on the texts of St. Mark adapted to choruses from other Passions by Bach. – Part One: 4 petits choeurs, or soloists’ choruses, from the St. Matthew Passion, BWV 244/4b/4d and 9b/9e**. – Part Two: Of the 8 petits choeurs, 3 are from the St. John Passion BWV 245/21b*/25b*, 4 are from the St. Matthew Passion, and one is taken from the Christmas Oratorio BWV 248/45. – For the recitatives, we have also used Grychtolik’s proposal, based chiefly on the adaptation of texts from St. Mark to the music of the St. Matthew Passion (except for the three brief solos 22, 33 and 45, which are reconstructions). We trust that our performance of the present reconstruction of this fascinating Passion will offer the most faithful and truly authentic approach possible, while recognizing that the mystery of the missing music remains unsolved and in the conviction that what Bach’s genius must have wrought is absolutely unimaginable.
Translated by Jacqueline Minett
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