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L’humanité est divisée en deux: Les maîtres et les esclaves. Aristote (385-322 av. C), La Politique Homo homini lupus est. Plaute (vers 195 av. C), Asinaria L’homme est un loup pour l’homme.
Thomas Hobbes (1651), De Cive
Malgré le fait que durant plus de quatre
siècles, entre 1444 (date de la première expédition de capture en masse,
décrite dans un texte de l’époque) et 1888 (date de l’abolition de
l’esclavage au Brésil), plus de 25 millions d’Africains furent déportés par
des puissances européennes afin d’être réduits en esclavage, cette période
historique – l’une des plus douloureuses et ignobles de l’histoire de
l’humanité – reste encore trop peu connue du grand public. Ces femmes,
hommes et enfants déportés brutalement de leurs villages d’Afrique vers les
colonies européennes du Nouveau Monde avaient pour tout bagage leur culture
d’origine : croyances religieuses, médecine traditionnelle, mode
d’alimentation, mais aussi musiques, chants et danses qu’ils pratiquaient
dans leurs nouveaux emplacements, connus aussi comme habitations ou
plantations. Nous essayerons d’évoquer ces moments honteux de l’histoire de
l’humanité avec les textes et témoignages les plus éloquents, accompagnés
par l’émotion et l’énergie vitale des musiques qu’ils chantaient et
dansaient.
Mais comment peut-on penser à chanter et à
danser alors qu’on est réduit à l’état d’esclave ? La réponse est simple :
le chant et la danse, rythmés par la musique, ont été les seuls espaces
d’expression et de liberté que personne ne pouvait leur enlever. C’était
donc les principaux moyens qui leur permettait de se sentir en liberté, pour
exprimer en chantant leurs peines et leurs joies, leurs souffrances et leurs
espoirs, et pour se rappeler de leurs origines et des êtres qu’ils aimaient.
Pour ces êtres humains dont les origines et les langues étaient très
variées, cela permettait aussi de recréer un univers commun et de résister à
la négation de leur humanité.
Né il y a plus de 5.000 ans, l’esclavage
est la plus monstrueuse de toutes les institutions que l’homme ait créées au
long de son histoire. En fait, son existence n’est attestée, de manière
objective, qu’à partir du moment où commence l’«histoire» proprement dite
(par opposition à la préhistoire), c’est à dire à partir de l’invention des
premiers systèmes d’écriture. Son organisation est étroitement liée à
l’invention de l’État au sens moderne du terme, c’est-à-dire un organe de
coercition centralisé, s’appuyant sur une armée et une bureaucratie. En
effet, l’une et l’autre, -comme l’a si bien souligné Christian Delacampagne
dans son Histoire de l’esclavage, (Paris, 2002) « se sont produites il y a
cinq mille ans, à l’intérieur de cette zone que les historiens nomment
‘croissant fertile’… Il y a une explication simple à cette connexion
apparemment surprenante entre naissances de l’écriture, de l’esclavage et de
l’Etat : toutes trois ont été rendues possibles lorsque les forces
productives d’une formation sociale donnée, en un lieu et un moment
déterminés, se sont suffisamment développées pour permettre de produire une
quantité de nourriture supérieure à la quantité requise pour la subsistance
de cette communauté. »
On sait que dans la Grèce antique, comme
nous l’explique bien Paul Cartledge dans son texte si intéressant, il
existait des milliers de communautés politiques séparées, et que les cités
principales basaient leurs relations sociales, politiques et économiques sur
le travail des esclaves. « La définition du citoyen par Aristote – celle
d’un homme qui participe activement à la marche des affaires publiques et
siège comme magistrat – correspond au citoyen démocratique athénien et lui
convient parfaitement […] Il semble alors qu’il y ait eu un cercle mutuel
renforcé entre esclavage dans les mines et démocratie, un cercle vertueux
pour les citoyens libres, un cercle vicieux pour les esclaves exploités et
maltraités ».
Dans l’Antiquité et au Moyen Âge, les
esclaves noirs étaient une marchandise exotique et rare mais de grande
valeur pour leurs propriétaires. Durant plus de deux mille ans, les esclaves
furent majoritairement blancs, provenant du nord de l’Europe et des régions
se trouvant autour de la Mer Méditerranée. Tout changea lorsqu’un
considérable trafic commercial, inauguré par les Couronnes du Portugal et
d’Espagne au milieu et à la fin du XVe siècle s’institua entre l’Europe,
l’Afrique et l’Amérique.
Par ailleurs, l’esclavage existait déjà en
Afrique avant le commencement des expéditions massives des Portugais et des
Espagnols. Ce sont les besoins de remplacer la main d’œuvre assez peu
résistante des indiens natifs et en particulier à partir du moment où il fut
accepté que ces derniers ont une âme et doivent être christianisés, que
commence le marché moderne d’esclaves noirs d’Afrique vers le Nouveau Monde.
On sait que dans les bateaux de Christophe Colomb il y avait des esclaves
noirs, et que dès les premières années après 1500, le Roi Ferdinand I
envoie des instructions pour l’achat et le transfert d’esclaves noirs vers
l’Île « l’Espagnole » pour travailler dans les mines d’or. Alonso de Zuazo,
juge de résidence dans cette île, nommé par le Cardinal Cisneros, recommande
dans une lettre du 22 janvier 1518 : « Dar licencia general que se traigan
negros, gente recia para el trabajo, al revés de los indios naturales, tan
débiles que solo pueden servir en labores de poca resitencia. » (« Donner
licence générale pour que soient amenés des noirs, des gens forts pour le
travail, au contraire des indiens natifs, si faibles qu’ils ne peuvent
servir qu’à des travaux demandant peu de résistance. ») C’est d’ailleurs
dans cette même île que se produit déjà en 1522 la première révolte
d’esclaves noirs dans le Nouveau Monde.
Les Français commencent à faire le trafic à
partir des années 1530 à l’embouchure des fleuves Sénégal et Gambie. Dès les
premières années du XVIIe siècle, avec l’arrivée des Anglais aux Caraïbes,
d’abord aux Bermudes (1609) puis à la Barbade, les Hollandais sont les
premiers à débarquer vingt esclaves africains (le 20 août 1619) dans le port
de Jamestown, dans la colonie anglaise de Virginie où se développe la
culture du tabac. C’est la première fois que des Noirs sont introduits de la
sorte sur le sol des futurs Etats-Unis. C’est aussi le début d’une histoire
particulièrement douloureuse : l’histoire de ceux qui se nomment aujourd’hui
« Afro-Américains ».
C’est paradoxalement durant le « Siècle des
Lumières » (1685-1777), que l’on voit l’apogée de la traite des Noirs. Comme
Christian Delacampagne, nous nous posons les mêmes questions : « L’ombre et
la lumière seraient-elles donc inséparables ? Les progrès de la raison
seraient-ils incapables d’entraîner ceux de la justice ? La raison et le mal
auraient-ils partie liée ? Telle semble bien être, en tout cas, la leçon de
l’histoire européenne. Mais il faudra attendre deux siècles de plus, des
dizaines de guerres et quelques tentatives de génocide avant que cette amère
leçon ne soit explicitement tirée, au lendemain de 1945, par les philosophes
Max Horkheimer et Theodor W. Adorno (Dialectique des Lumières, 1947). »
Avec notre Livre/CD/DVD d’ALIA VOX,
-présentant les enregistrements audio et vidéo, réalisés en direct, à
l’occasion du concert donné au Festival de l’Abbaye de Fontfroide le 19
Juillet 2015-, nous voulons faire connaître les données essentielles de
cette terrible histoire ; à travers la surprenante vitalité et profonde
émotion de ces musiques conservées à partir des anciennes traditions des
descendants des esclaves. Celles-ci perdurent dans les traces profondes de
la mémoire des peuples concernés, originaires des côtes de l’Afrique
occidentale, du Brésil (Jongos, Caboclinhos paraibanos, Ciranda, Maracatu et
Samba), du Mexique, des îles des Caraïbes, de Colombie et de Bolivie (chants
et danses de traditions africaines), avec les musiques des traditions
Griottes conservées au Mali. Ces musiques sont interprétées par des
musiciens du Brésil, de Colombie, du Mexique, du Mali, du Maroc et de
Madagascar et seront en dialogue avec les formes musicales hispaniques
inspirées des chants et danses des esclaves, des indigènes ainsi que par les
mélanges raciaux de tout genre qui se sont basés sur les traditions
africaines, métisses ou indiennes. Le témoignage de la collaboration plus ou
moins forcée des esclaves dans la liturgie des églises du Nouveau Monde sera
représenté par les Villancicos de Negros, Indios, et Negrillas, chants
chrétiens de Mateu Flecha l’ancien (La Negrina ), Juan Gutiérrez de Padilla
(mss. de Puebla), Juan de Araujo, Roque Jacinto de Chavarria, Juan Garcia de
Céspedes, Frai Filipe da Madre de Deus, etc., et interprété par les
chanteurs et les musiciens solistes de La Capella Reial de Catalunya et d’Hespèrion
XXI avec des musiciens provenant du Brésil, Venezuela, Argentine, Mexique,
Espagne et Catalogne. C’est ainsi que se combinèrent dans une relation, pour
la première fois triangulaire, -incluant les trois continents, l’Europe,
l’Afrique et l’Amérique latine-, les héritages africains et américains avec
les emprunts de la renaissance et du baroque venus de l’ancienne Europe, et
deviendront des témoignages troublants et néanmoins profondément optimistes
d’un patrimoine musical qui reste la part la plus positive d’une culture de
conquête et d’évangélisation forcée.
Il ne pouvait y avoir de contraste plus
extrême que celui qui existe entre l’émouvante beauté et la mystérieuse
puissance de ces musiques, et la brutalité des témoignages et des
descriptions détaillées par les chroniqueurs ou par les religieux de
l’époque, que nous avons sélectionnés (textes récités par Bakary Sangaré),
concernant les expéditions de capture des hommes et des femmes dans leurs
villages africains. Ainsi, nous en prenons conscience grâce aux: Paul
Cartledge, José Antonio Piqueras, José Antonio Martínez Torres, études, aux
découvertes historiques et réflexions sur ce sujet, contenues dans les
différents articles si magistralement développés par notre formidable équipe
d’experts Gustau Nerin et Sergi Grau (sélection chronologie avec des textes
de référence).
À travers les musiques des descendants des
esclaves, nous voulons en même temps que rendre un émouvant hommage de
mémoire sur cette sombre période, appeler chacun de nous au devoir de
reconnaissance de l’extrême inhumanité et des terribles souffrances causées
à toutes les victimes de cet horrible commerce. Il s’agit d’une entreprise
ignoble, perpétrée par la majorité des grandes nations européennes, qui a
frappé des millions d’hommes, de femmes et d’enfants africains
systématiquement déportés et brutalement exploités pendant plus de quatre
siècles, ce qui a permis la grande richesse de toute l’Europe du XVIIIe et
du XIXe siècles. Des nations civilisées, qui jusqu’à aujourd’hui n’ont pas
trouvé nécessaire ni de faire une demande de pardon globale, ni même de
faire une proposition de compensations (symboliques ou réelles) pour le
travail forcé réalisé par ces esclaves considérés comme meubles (de simples
« instruments de travail » sans âme). Au contraire, c’est dans le sillage de
ces quatre siècles de traite, au fil desquels ils se sont peu à peu
installés sur les côtes africaines, que les principaux pays européens en
sont venus à « coloniser » l’Afrique – c’est-à-dire à considérer que
celle-ci leur appartenait. Comme si, de la fin du Moyen Age à celle du XIXe
siècle, l’Europe n’avait cessé de poursuivre un seul et même but : dominer,
l’une après l’autre, toutes les terres s’étendant au sud de la Méditerranée.
Devant l’extrême gravité de l’afflux
d´êtres humains venant d’Afrique (au risque de leurs vies ; plus de 3000
morts du début de 2016 à ce jour) à travers cette mer appelée jadis MARE
NOSTRUM et convertie aujourd’hui en une triste MARE MORTIS, je me demande
comment il est possible, en plein début du XXIe siècle, qu’aucun des
principaux responsables de l’immigration des pays européens ne se souvienne
de l’énorme dette morale et économique que nous avons envers ces Africains
qui aujourd’hui sont obligés de fuir leurs pays saccagés par la misère ou
détruits par les guerres tribales ou territoriales, et souvent abandonnés
entre les mains de dictateurs corrompus (soutenus par nos propres
gouvernements) ou d’entreprises multinationales insatiables. Durant les années de la fin officielle de l’esclavage (1800-1880, on voit se répandre en force, surtout dans les pays où ce système avait perduré le plus longtemps, une autre forme aberrante et inhumaine de relation, caractérisée par une haine viscérale envers l’autre, envers l’étranger et surtout envers l’ancien esclave : c’est le racisme. L’esclavage se développe sur un fond de mépris de l’autre, du Noir, du Métis, le l’Indien, tandis que le racisme s’alimente de la haine envers celui qui n’est plus esclave, mais qui est différent. Comme disait Christian Delacampagne ; « L’histoire de l’esclavage précède et prépare celle du racisme. Historiquement l’esclavage est premier. Le racisme n’est que la conséquence de la longue accoutumance d’une civilisation à une institution, l’esclavage, dont les victimes sont, depuis le début des étrangers ».
Nous voulons en même temps, insister sur le
fait que dans ce début du IIIe millénaire cette tragédie continue encore
pour plus de 30 millions d’êtres humains, desquels une grande partie sont
des enfants ou des jeunes filles qui subissent de nouvelles formes
d’esclavage dans les domaines de la production et de la prostitution.
Dénonçons avec un grand geste d’indignation, que l’humanité, dans son
ensemble, ne fait pas réellement ce qu’elle devrait pour mettre un terme à
l’esclavage ainsi qu’aux formes d’exploitation qui lui sont apparentées.
Quoiqu’absolument interdit dans la grande majorité des pays du monde et
quoiqu’étant aussi officiellement condamné par les instances
internationales, l’esclavage survit aujourd’hui, y compris au sein des pays
industrialisés qui se veulent démocratiques. Comme disait encore Christian
Delacampagne ; «Face à l’esclavage, de même que face au racisme, il n’y à
pas de compromis possible. Il n’y a pas de tolérance possible. Il n’y a
qu’une seule réponse : la tolérance zéro ».
Contre ces scandales absolus que sont
l’exploitation du travail des enfants et la prostitution de mineurs, contre
ces maladies endémiques de la société humaine, qui continuent avec de
nouvelles formes d’esclavage et contre la haine de l’autre qui est la force
inhumaine du racisme, la lutte n’est pas achevée. Avec les textes et les musiques de notre Livre/CD/DVD, nous voulons ainsi aider à poursuivre cette lutte. Nous sommes convaincus que le privilège de pouvoir jouir de la connaissance du passé, nous permet d’être plus responsables et en conséquence nous oblige moralement à agir contre ces pratiques inhumaines. Les musiques de ce programme représentent la véritable histoire vivante de ce long passé douloureux, écoutons ces chants de survie et de résistance, pleins d’émotion et d’espoir, ces musiques de la mémoire d’une histoire de souffrance absolue, dans laquelle la musique est devenue une vraie source de survivance, en restant, heureusement pour tous, un refuge éternel de paix, de consolation et d’espoir.
Sarajevo/Bellaterra 21/23 octobre 2016 Humanity is divided into two: masters and slaves. Aristotle (385-322 B. C), Politics Homo homini lupus est. Plautus (c. 195 B. C) Asinaria Man is a wolf to his fellow man.
Thomas Hobbes (1651), De Cive Despite the fact that for more than four centuries, from 1444 (the year of the first mass slaving expedition, described in a text from the period) to 1888 (the year slavery was abolished in Brazil), over 25 million Africans were shipped by European countries to be bound in slavery, this period of history – one of the most painful and shameful in the history of mankind – is still largely unknown by the general public. The women, men and children who were brutally deported from their villages in Africa to the European colonies in the New World had only their culture of origin to accompany them on the journey: religious beliefs, traditional medicine, dietary customs, and music – songs and dances that they kept alive in their new destinations, known as habitations or plantations. We shall try to evoke those shameful moments in the history of humanity through a series of eloquent texts and accounts, accompanied by the emotion and vitality of the music to which the slaves sang and danced.
And yet, how could they think
of singing and dancing when they were reduced to the condition of slaves?
The answer is simple: song and dance, rhythmically structured by music, were
the only context in which they could feel free and express themselves –
something that nobody could take away from them. Singing was, therefore,
their chief means of expressing their sorrows and their joys, their
suffering and their hopes, as well as a reminder of their origins and their
loved ones. It enabled all those people with their diverse origins and
languages to create a common world and withstand the negation of their
humanity. First documented 5,000 years ago, slavery is the most monstrous of all the man-made institutions created throughout history. In fact, its existence only began to be objectively documented when “history” (as opposed to prehistory) began; in other words, with the invention of the earliest writing systems. Its organisation is closely linked to the invention of the State in the modern sense of the term, that is, an organ of centralised coercion, supported by an army and a civil service. Indeed, both, – as pointed out by Christian Delacampagne in his Histoire de l’esclavage (Paris, 2002) “came about five thousand years ago, in the region that historians call the ‘fertile crescent’ […] There is a simple explanation for this apparently surprising connection between the emergence of writing, slavery and the State: all three became possible when the forces of production of a given social group, in a given time and place, became sufficiently developed to enable them to produce a greater quantity of food than was required for the survival of the community. “
As Paul Cartledge explains in
his interesting text, in Ancient Greece there were a thousand or so separate
political entities, and the principal cities based their social, political
and economic relations on slave labour. “Aristotle’s definition of a citizen
– that of a man who actively participates in public affairs and sits as a
magistrate – corresponds to the perfect citizen of a democratic Athens […]
Thus it appears that there was a mutually strengthened circle or loop
between slavery in the mines and democracy – a virtuous circle for free
citizens, but a vicious circle for the exploited and harshly treated
slaves.”
In Antiquity and the Middle
Ages, black slaves were a rare, exotic and very costly merchandise for their
owners. For more than two thousand years, the majority of slaves were white,
originating in Northern Europe and the regions around the Mediterranean Sea.
All this changed when a sizeable commercial trade, instigated by the Crowns
of Portugal and Spain from the middle to the late 15th century was
established between Europe, Africa and America.
Slavery already existed in
Africa before the massive Portuguese and Spanish slaving expeditions began.
It was the need to replace the feeble workforce of native Indians,
especially when it was recognized that Indians had a soul and must be
converted to Christianity, that the modern trade in black African slaves to
the New World began. We know that there were black slaves on board the ships
of Christopher Columbus, and also that in the years immediately after 1500,
King Ferdinand I sent instructions for the purchase and transfer of black
slaves to the island of Hispaniola, where they were sent to work in the gold
mines. Alonso de Zuazo, appointed judge in residence on the island by
Cardinal Cisneros, recommended in a letter dated 22nd January 1518: “Dar
licencia general que se traigan negros, gente recia para el trabajo, al
revés de los indios naturales, tan débiles que solo pueden servir en labores
de poca resistencia.” (To issue a general authorisation to import Blacks,
who are strong and can withstand hard work, unlike the native Indians, the
latter being so weak that they are only useful for tasks that do not require
much stamina.) It was on this same island that the first revolt of black
slaves took place in the New World in 1522.
The French began to trade in
black African slaves in the 1530s at the mouths of the Senegal and Gambia
Rivers. From the beginning of the 17th century, the English arrived in the
Caribbean, first in the Bermudas (1609) and then in Barbados, while the
Dutch were the first to unload twenty African slaves (20th August, 1619) in
the port of Jamestown in the English colony of Virginia, which became the
centre of the tobacco-growing industry. It was the first time that Blacks
had set foot as slaves on the soil of the future United States. It was also
the beginning of a particularly painful history: the history of today’s
Afro-Americans.
Paradoxically, it was during
the “Age of Enlightenment” (1685-1777) that the Black slave trade reached
its apogee. Like Christian Delacampagne, we ask ourselves the questions:
“Are light and shadow truly inseparable? Was the progress of reason
incapable of heralding the age of justice? Are reason and evil inextricably
linked? Such would appear to be the lessons of European history. But it was
to be another two hundred years, dozens of wars and several attempts at
genocide later, in the aftermath of 1945, before this bitter lesson was
explicitly learned by the philosophers Max Horkheimer and Theodor W. Adorno
(Dialektik der Aufklärung, 1947).”
In this CD/DVD book from
ALIAVOX, featuring the live audio and video recordings of the concert at the
Festival of Fontfroide Abbey on 19th July, 2015, we aim to present the
essential facts surrounding that terrible history, thanks to the
extraordinary vitality and profound emotion of this music, preserved in the
ancient traditions of the descendants of slaves. The music lives on, etched
into the memory of the peoples concerned, from the coast of West Africa and
Brazil (Jongos, Caboclinhos paraibanos, Ciranda, Maracatu and Samba),
Mexico, the islands of the Caribbean, Colombia and Bolivia (songs and dances
from the African traditions), together with the traditional Griotte music
still found in Mali. The music is performed by musicians from Brazil,
Colombia, Mexico, Mali, Morocco and Madagascar in dialogue with Hispanic
musical forms inspired in the songs and dances of slaves, native Indians and
racial mixes of all kinds based on African, Mestizo and Indian traditions.
The contribution of the more or less forced collaboration of slaves in the
Church liturgy of the New World is represented in this recording by the
Villancicos de Negros, Indios, and Negrillas, Christian songs by Mateu
Flecha the Elder (La Negrina), Juan Gutiérrez de Padilla (Puebla mss.), Juan
de Araujo, Roque Jacinto de Chavarria, Juan Garcia de Céspedes, Fr. Filipe
da Madre de Deus, etc., performed by the vocalists and soloists of La
Capella Reial de Catalunya and Hespèrion XXI, together with musicians from
Brazil, Venezuela, Argentina, Mexico, Spain and Catalonia. For the first
time, they come together in a triangular relationship, linking the three
continents of Europe, Africa and Latin America, and the heritage of Africa
and America with borrowings from the European Renaissance and the Baroque,
resulting in a disturbing and at the same time deeply hope-inspiring record
of a musical heritage which is the positive reverse side of a culture of
conquest and forced conversion. There could be no starker contrast than that which exists between the striking beauty and mysterious power of this music and the brutal accounts and detailed descriptions that our selection of chroniclers and religious of the period (texts recited by Bakary Sangaré) gave concerning the expeditions to capture men and women in their African villages. We are given an insight into those accounts through the studies, historical research and reflections on the subject contained in the excellent articles contributed by our formidable team of experts: Paul Cartledge, José Antonio Piqueras, José Antonio Martínez Torres, Gustau Nerin and Sergi Grau (timeline and selection of source texts).
Through the music of the
descendants of slaves, we also wish to pay a moving tribute as we remember
that dark period, and appeal to each one of us to recognize the extreme
inhumanity and the terrible suffering inflicted on all the victims of that
heinous trade. It was an ignoble enterprise perpetrated by the majority of
the great European nations against millions of African men, women and
children, who for more than four hundred years were systematically deported
and brutally exploited to cement the great wealth of 18th and 19th century
Europe. Those civilized nations have not yet deemed it necessary to make an
unreserved apology, or even to offer any kind of compensations (symbolic or
real) for the forced labour carried out by the slaves who were regarded as
chattels (nothing more than “tools” without a soul). On the contrary, the
four-centuries-long slave trade, during which they became established on the
coasts of Africa, paved the way for the principal European countries’
“colonisation” of Africa. In other words, it confirmed them in the belief
that the continent was their property. It is as if from the end of the
Middle Ages to the end of the 19th century, Europe had relentlessly pursued
one common goal: to subjugate, one after the other, all the lands stretching
south of the Mediterranean.
In view of the extremely
serious situation of large numbers of people risking their lives to reach
Europe from Africa (so far, more than 3,000 have died since the beginning of
2016) by crossing the sea once known as the MARE NOSTRUM and now a sad MARE
MORTIS, why is it that today, in the 21st century, none of the those
responsible for immigration in European countries remembers our enormous
moral and economic debt to the Africans who are now forced to flee their
homelands, currently mired in abject poverty or ravaged by tribal or
territorial wars, and frequently abandoned to corrupt dictators (propped up
by our own governments) or insatiable multinational companies? The period which saw an official end to slavery (1800-1880) saw the rise – particularly strong in those countries where it had lasted the longest – of another aberrant, inhuman kind of relationship, characterised by a visceral hatred of the other, the foreigner and, above all, of the former slave: racism. Slavery was built on contempt for the other – whether Black, Mestizo, or the native Indian – while racism feeds on hatred of people who are no longer slaves, but different. As Christian Delacampagne writes: “The history of slavery preceded and paved the way for that of racism. Historically, slavery came first. Racism was merely the consequence of a civilisation’s long habituation to the institution of slavery, whose victims have always been foreigners.” We also want to draw attention to the fact that, at the beginning of the third millennium, this tragedy is still ongoing for more than 30 million human beings, of whom many are children or young girls subjected to new forms of slavery brought about by the demands of production and prostitution. We need to speak out in indignation and say that humanity is not doing what it should to put an end to slavery and other related forms of exploitation. Although absolutely illegal in the vast majority of countries in the world, and despite also being officially condemned by the international authorities, slavery still exists today, even in the supposedly democratic developed countries. Again, as Christian Delacampagne writes, “In the face of slavery, as in the face of racism, there is no possible compromise. There is no possible tolerance. There is only one response: zero tolerance.” Against the absolute outrage of the exploitation of child labour and the prostitution of minors, against these endemic ills in human society, which continue to breed new forms of slavery, and against that hatred of the other, which is the inhuman force of racism, the struggle is not over.
Through the texts and music of
our CD/DVD book, we hope to contribute to that struggle. We firmly believe
that the advantage of being aware of the past enables us to be more
responsible and therefore morally obliges us to take a stand against these
inhuman practices. The music in this programme represents the true living
history of that long and painful past. Let us listen to the emotion and hope
expressed in these songs of survival and resistance, this music of the
memory of a long history of unmitigated suffering, in which music became a
mainspring of survival and, fortunately for us all, has survived as an
eternal refuge of peace, consolation and hope.
JORDI SAVALL Sarajevo/Bellaterra 21/23 October, 2016 Translated by Jacqueline Minett
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