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« La Paix ne peut être
obtenue par la violence, elle ne peut être atteinte que par la compréhension
»
Hiroshima 6 août 1945, 8:15.
Cambrai, janvier 1517.
Barcelone, 1er juillet 2004.
Barcelone, été 1966 et janvier 1987.
Je voulais introduire la présentation de notre projet PRO PACEM avec ces quatre différentes citations, qui nous situent immédiatement au cœur du débat; le témoignage de Setsuko Thurlow, une « Hibakusha » survivante de la bombe d’Hiroshima et victime innocente d’une guerre atroce ; une réflexion d’Érasme de Rotterdam, le grand humaniste et défenseur de la Paix au XVIe siècle, sur le fait que ce sont toujours les innocents qui souffrent le plus de toute guerre; une pensée spirituelle sur l’impossibilité de vivre sans paix en nos cœurs, du philosophe, théologien et écrivain d’origine catalane et hindoue Raimon Panikkar; et une réflexion vécue d’un des artistes majeurs de notre temps, le peintre Antoni Tàpies, sur l’engagement de l’artiste envers la société.
PRO PACEM
PRO PACEM est un nouveau projet de LIVRE/CD qui plaide pour un monde sans guerre ni terrorisme et pour un désarmement nucléaire total. La mosaïque sonore s’articule comme un dialogue vivant de musiques spirituelles vocales et instrumentales, provenant de différents répertoires d’Orient (Arménie, Turquie, Sépharade, Inde, Israël et Chine) et d’Occident (Grèce, Espagne, Angleterre, Portugal, Italie, Estonie et Belgique). Ces musiques sont inspirées par les anciens Oracles Sibyllins (Montserrat Figueras), les prières du Coran et de la liturgie hébraïque, les pièces vocales basées sur l’un des plus anciens chants chrétiens d’invocation à la paix : Da Pacem Domine (Donne-moi Seigneur la Paix), d’abord à partir de la version grégorienne, puis de celle à 3 voix de Gilles Binchois (XIVe siècle), jusqu’à la nouvelle version d’Arvo Pärt, – composée spécialement pour notre concert (en faveur de la Paix) donnée dans le Forum des Cultures de Barcelone en 2004 – et en passant par celles de Josquin, Parabosco, Orlando di Lasso et le Lamento Sépharade El Pan de la Aflicción. Toutes ces oeuvres sont chantées par les solistes de La Capella Reial de Catalunya. Ce programme PRO PACEM est complété par d’autres musiques vocales chantées par Montserrat Figueras, comme le Motet Flavit auster du Monastère de Las Huelgas, le villancico portugais de Goa Senhora del mundo et le Motet de Francisco Guerrero ainsi que des improvisations de Ferran Savall dans la Deploratio IV. Finalement des pièces instrumentales de Christopher Tye, d’Henry Purcell et de moi-même (Planctus Caravaggio), au caractère profondément spirituel. L’ensemble des interprètes est constitué par Montserrat Figueras, Lior Elmaleh, Marc Mauillon, Muwafak Shahin Khalil, Ferran Savall, les solistes de La Capella Reial de Catalunya, d’Hespèrion XXI, du Concert des Nations et des musiciens invités d’Arménie, des USA, d’Israël, de Palestine, de Turquie, d’Inde, du Japon et de Grèce.
La part non musicale, très importante cette fois-ci, avec quatre textes intéressants sur la fonction de l’art et de la pensée éducative, philosophique et spirituelle, plus les reproductions de trois peintures inédites d’Antoni Tàpies dédiées à la Paix, veut proposer une ample réflexion sur les chemins de la paix dans le monde, avec la collaboration de quatre grandes personnalités culturelles et artistiques de notre temps : Edgard Morin, Raimon Panikkar, Fatema Mernissi et Antoni Tàpies. Ils parleront respectivement : des savoirs nécessaires à l’éducation du futur ; de l’importance du dialogue interculturel, pour arriver à trouver la paix entre Orient et Occident ; du modèle vers lequel évoluera notre monde globalisé ; celui du Cow-boy ou celui du Sinbad ?; et enfin de la relation et l’engagement de l’artiste créateur envers la société et le monde en général. Il s’agit, ni plus ni moins, d’une volonté de réfléchir ensemble, grâce à l’information et au dialogue interculturel, sur la manière de créer les conditions pour une réelle prise de conscience sur l’importance et les enjeux du moment actuel. Ce pourquoi le contenu de notre Livre/CD est traduit dans huit langues (Français, Allemand, Anglais, Catalan, Castillan, Italien, Arabe et Hébreu).
Nous croyons fermement qu’on ne peut combattre les principaux ennemis de l’homme que sont l’ignorance, la haine et l’égoïsme, que par l’amour, le savoir, l’empathie et la compréhension ; n’est-ce pas celle-ci l’ultime fonction de l’art et de la pensée ? C’est pourquoi nous avons imaginé, que toutes ces musiques, ces œuvres d’art, ces réflexions philosophiques et spirituelles, ces analyses sur le monde globalisé que nous vivons, et aussi ces connaissances que nous offrent les statistiques que nous présentons, seront susceptibles de nous apporter un peu plus de lumière et de perspective objective sur le monde actuel si obscur et complexe. Les statistiques sont froides et ennuyeuses, mais elles nous donnent une vision précise sur des faits importants à connaître comme les victimes innocentes et les personnes déplacées à cause des principales guerres et conflits, les dépenses militaires dans le monde, l’état de l’arsenal atomique éparpillé en Europe et dans le Monde. L’ensemble de ces connaissances devraient nous servir à être plus conscients de la situation dans laquelle nous vivons et nous permettre de réfléchir avec indépendance aux chemins qui pourront contribuer à changer la terrible situation de dérèglement dans laquelle vit une humanité épuisée, qui paraît avoir perdu le contact avec ses valeurs essentielles de civilisation et d’humanisme.
La riche présence publique et médiatique que nous pouvons avoir tous, grâce à Internet, en tant qu’artistes ou comme personnes privées plus ou moins engagées dans notre entourage public, nous oblige à en extraire les responsabilités inhérentes : aider à la connaissance pour lutter contre l’ignorance et le fanatisme, témoigner en faveur de la justice et de la paix, travailler pour que les hommes et les femmes soient chaque jour plus libres et plus solidaires, enseigner la compréhension et le dialogue interculturel, en sachant, comme disait Joan Miro – un autre grand peintre catalan – que, comme artiste (et j’ajouterais aussi comme homme) « ce qui compte, ce n’est pas une œuvre, mais la trajectoire de l’esprit pendant la totalité de la vie, pas ce qu’on fait au cours de cette vie, mais ce qu’on laisse entrevoir, ce qu’on permettra aux autres de réaliser à une date plus ou moins lointaine ». C’est bien la même attitude et la force de ces grands hommes qui ont dédié leur vie à lutter pour la liberté et le bien-être des autres, comme Gandhi, qui nous rappelait que « dès que quelqu’un comprend qu’il est contraire à sa dignité d’homme d’obéir à des lois injustes, aucune tyrannie ne peut l’asservir ».
Mais il est important de se rappeler que nous vivons toujours dans un monde cruel où des tyrans réduisent des Nations en otages (Corée du Nord) ou massacrent impunément leur propre peuple (Syrie), un monde aussi profondément injuste, dans lequel 1% de la population possède ce dont le restant des 99% aurait besoin : de meilleurs logements, une meilleure éducation, de meilleurs médecins et un meilleur niveau de vie, mais comme le signale Joseph E. Stiglitz (Prix Nobel d’Économie 2001) ; « à cette minorité lui manque quelque chose qu’elle ne peut pas acheter avec l’argent : la compréhension que son destin est totalement lié à la manière dont vit l’autre partie de la population (99%). Tout au long de l’histoire, ce destin partagé est quelque chose que cette minorité n’a su comprendre… que quand il était déjà trop tard. » C’est alors, comme remarque avec une extraordinaire lucidité Tony Judt (1948-2010) que « La peur resurgit sous la forme d’un ingrédient actif de la vie politique dans les démocraties occidentales. La peur du terrorisme, bien entendu ; mais aussi, et peut-être plus insidieusement, la peur d’un changement rapide au point d’en être incontrôlable, la peur de perdre son emploi, la peur de céder du terrain à l’autre dans une distribution toujours plus inégale des ressources, la peur de perdre le contrôle des circonstances et routines de la vie quotidienne. Et peut-être, surtout, la peur que nous soyons en effet incapables d’infléchir le cours de notre vie, mais aussi que les détenteurs de l’autorité aient perdu la main au profit des forces qui leur échappent. » Le danger qu’il prévoit est déjà en train de se produire ; « Notre culte contemporain de la liberté économique, associé à un sentiment accru de peur et d’insécurité, pourrait se solder par un recul des services sociaux et une régulation économique minimale, mais s’accompagner d’une large surveillance gouvernementale des communications, des déplacements et des opinions. Un capitalisme “chinois” pour ainsi dire. » Il conclût en plaidant pour la place de l’histoire récente dans une ère d’oubli ; « Nous croyons avoir appris suffisamment du passé pour savoir que nombre de vieilles réponses ne marchent pas ; et sans doute est-ce vrai. Mais ce que le passé peut nous aider à comprendre, c’est l’éternelle complexité des questions.»
Le dérèglement du monde s’est accentué ces dernières années, par une politique économique inhumaine qui a sacrifié des millions de vies, pour imposer des systèmes d’exploitation totalement périmés. C’est pourquoi dans cette époque de grave crise économique, surprend encore plus la forte augmentation des dépenses militaires dans le monde, qui atteint le chiffre astronomique de plus de 1.700 billions de $ et qui ne fait qu’alimenter et prolonger les nombreux conflits armés qui sévissent en Orient et en Occident, beaucoup d’entre eux non résolus et sans beaucoup d’espoir de l’être à court terme. Malheureusement cette prolifération des conflits de longue date (en Afghanistan, Irak, Tchétchénie, Palestine, et en Afrique), ceux les plus récents (Syrie) à côté des guerres dites « irrégulières » : guérillas (en Amérique Latine) et terrorismes divers, ont généré jusqu’à aujourd’hui des milliers de victimes innocentes et plus de 33 millions de déplacés dans le monde. Comme Érasme l’accusait déjà en 1516 « La guerre frappe la plupart du temps ceux qui n’y sont pour rien ». Vingt ans après avoir laissé faire la systématique destruction de Sarajevo et le massacre de milliers de Bosniaques innocents, nous assistons au martyre du peuple syrien avec la même indifférence humaine et la totale impuissance des grandes nations. Le mal absolu est toujours celui que l’homme inflige à l’homme, et c’est un fait universel qui concerne l’humanité tout entière. Hannah Arendt a été peut-être la première à le reconnaître, lorsqu’elle écrivit en 1945 que « le problème du mal sera la question fondamentale de la vie intellectuelle en Europe après la guerre ». L’art, la musique, la beauté peuvent-ils sauver l’homme de ce mal ?
Dans le roman de Dostoïevski, L’Idiot, un athée appelé Hyppolite demande au prince Mychkine : « Est-il vrai, prince, que vous avez dit, un jour, que la “beauté” sauverait le monde ? Messieurs, s’écria-t-il en prenant toute la société à témoin, le prince prétend que la beauté sauvera le monde […] quelle beauté sauvera le monde ? […] Le prince le contempla attentivement et ne répliqua point ». Le prince n’a pas de réponse, mais nous croyons, comme Antoni Tàpies, dans un art qui soit utile à la société, un art qui par la beauté, la grâce, l’émotion et la spiritualité peut avoir le pouvoir de nous transformer et peut nous faire devenir plus sensibles et plus solidaires.
« Bien tard je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t’ai aimée !
Et voici que tu étais
au-dedans, et moi au-dehors et c’est là que je te cherchais,
Augustin d’Hippone (354-430) Confessions, 10, 27 trad. E. Tréhorel et G. Bouissou
JORDI SAVALL
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ENGLISH VERSION
“Peace cannot
be kept by force; it can only be achieved by understanding.” Hiroshima 6 August 1945, 8:15.
“[…] I looked around: although
it was morning, the sky was dark as twilight, with dust and smoke rising in
the air. I saw streams of ghostly figures, slowly shuffling from the centre
of the city of Hiroshima towards the nearby hills. They were naked and
tattered, bleeding, burned, blackened and swollen. Parts of their bodies
were missing, flesh and skin hanging from their bones, some with their
eyeballs in their hands, and some with their stomachs burst open, with their
intestines hanging out. We girls joined the ghostly procession, carefully
stepping over the Dead or dying. There was a deathly silence, broken only by
the moans of the injured and their pleas for water. The foul stench of
burned skin filled the air […]” Cambrai, January 1517.
Barcelona, 1 July 2004.
It is difficult to live
without external peace in the world around us. It is impossible to live
without inner peace, without peace in our hearts. Music creates a space of
peace, both within and outside us. Few people create music and some are able
to perform it, but we can all listen to it; however, this third musical art
has to be learned by creating an outer and inner silence. To listen to
music, we must be at peace, and at the same time music is a source of peace.
It is a vital circle. Barcelona, summer 1966 and January 1987.
I have chosen to introduce our PRO PACEM project with four different quotes which immediately take us to the crux of the debate: the personal account of Setsuko Thurlow, a “Hibakusha”, that is to say, a survivor of the Hiroshima bomb and an innocent victim of a horrific war; a reflection by Erasmus of Rotterdam, the great 16th century humanist and advocate of Peace, on the fact that it is always the innocent who suffer most in any war; a spiritual observation on the impossibility of living without peace in our hearts by the philosopher, theologian and writer of Catalan and Hindu origin, Raimon Panikkar; and a reflection rooted in experience by one of the leading artists of our time, the painter Antoni Tàpies, on the social commitment of the artist. PRO PACEM PRO PACEM is a new CD-Book project that makes a plea for a world without war or terrorism and for total nuclear disarmament. It presents a sound mosaic that takes the form of a living dialogue of spiritually expressive vocal and instrumental music from a variety of repertoires from East (Armenia, Turkey, Sepharad, India, Israel and China) and West (Greece, Spain, England, Portugal, Italy, Estonia and Belgium). These different musical expressions were inspired by the ancient Sibylline Oracles (Montserrat Figueras), the prayers of the Koran and the Hebrew liturgy, vocal pieces based on one of the earliest Christian chants invoking peace: Da Pacem Domine (Grant me Peace, O Lord), first in the Gregorian version, which is followed by Gilles Binchois’ 3-part version (14th century) and finally the new version by Arvo Pärt, which was specially composed for our concert for Peace performed during the Barcelona Forum of Cultures in 2004, and including pieces by Josquin, Parabosco, Orlando di Lasso and the Sephardic lament El Pan de la Aflicción. All these works are performed by the soloists of La Capella Reial de Catalunya. This PRO PACEM programme features other vocal music sung by Montserrat Figueras, such as the Motet Flavit auster from the Monastery of Las Huelgas, the Portuguese villancico from Goa entitled Senhora del mundo and the Motet by Francisco Guerrero, as well as improvisations by Ferran Savall in Deploratio IV. Finally, it includes instrumental pieces by Christopher Tye, Henry Purcell and one of my own compositions (Planctus Caravaggio), all profoundly spiritual in character. The performers featured in the recording are Montserrat Figueras, Lior Elmaleh, Marc Mauillon, Muwafak Shahin Khalil, Ferran Savall, the soloists of La Capella Reial de Catalunya, Hespèrion XXI, Le Concert des Nations and guest musicians from Armenia, USA, Israel, Palestine, Turkey, India, Japan and Greece. The non-musical part of this project, introducing four interesting texts on the purpose of art and educational, philosophical and spiritual thought, as well as reproductions of three previously unpublished paintings by Antoni Tàpies on the theme of Peace, plays a major role in proposing a broad reflection on the paths of peace in the world through the collaboration of four outstanding cultural and artistic figures of our time: Edgard Morin, Raimon Panikkar, Fatema Mernissi and Antoni Tàpies. They address such the issues as the education of the future; the importance of intercultural dialogue as a means to achieve peace between East and West; the model towards which our globalised world will evolve – the Cowboy or the Simbad model; and, finally, the relationship and commitment of the creative artist to society and the world in general. The project is neither more nor less than the desire to engage in a joint reflection, by means of information and intercultural dialogue, on how we can create the conditions necessary for true awareness of the importance of the present moment and what is at stake. Accordingly, the contents of our CD-Book are translated into eight languages (French, German, English, Catalan, Spanish, Italian, Arabic and Hebrew). We firmly believe that the principal enemies of mankind – ignorance, hatred and selfishness – can only be overcome by love, knowledge, empathy and understanding. Is this not the ultimate purpose of art and thought? It is our hope that the music, the works of art and philosophical and spiritual reflections, the analyses of the globalised world in which we live, and the knowledge provided by the statistics reproduced in the CD-Book, will shed a little more light and perspective objective on today’s obscure and complex world. Statistics may be cold and dull, but they give a precise account of important facts such as the number of innocent victims and displaced people trailing in the wake of the major wars and conflicts, as well as the military spending in the world and the number of nuclear weapons stockpiled throughout Europe and elsewhere. All this information should help us to become more aware of the situation in which we live and enable us to think independently about what might have led to the present dreadful disarray of our bankrupt humanity, which seems to have lost touch with its essential values of civilisation and humanism. The very considerable public and media presence that we can all achieve thanks to the internet, whether as artists or as more or less committed private individuals in the public sphere, forces us to take stock of the inherent responsibilities of that situation: to contribute to the knowledge that is necessary to combat ignorance and fanaticism, to speak out for justice and peace, to work towards the increasing freedom and solidarity of men and women, to teach understanding and intercultural dialogue, in the realization that, as Joan Miro, another great Catalan painter, said, as artists (and, I would add, as human beings) “what really matters is not a work of art, but the spiritual journey of a man’s life as a whole, not what he has done during that life, but what he enables others to glimpse and achieve at some point in the more or less distant future.” These words echo the same attitude and strength of those great individuals who have devoted their lives to the struggle for the freedom and well-being of others, figures such as Gandhi, who reminds us that “If man will only realize that it is unmanly to obey laws that are unjust, no man’s tyranny will enslave him.” But it is important to remember that we are still living in a cruel world where tyrants hold nations hostage (North Korea), or get away with massacring their own people (Syria), a world so profoundly unjust that 1% of its population possesses what is needed by the remaining 99%: better housing, better education, better doctors and a higher standard of living, but as Joseph E. Stiglitz (Nobel Prize in Economics 2001) points out, that minority is lacking something, “one thing that money doesn’t seem to have bought: an understanding that their fate is bound up with how the other 99% live. Throughout history, this is something that the top 1 percent eventually do learn. Too late.” It is then, as Tony Judt (1948-2010) observes with extraordinary lucidity that “fear re-emerges as an active ingredient of political life of Western democracies. Fear of terrorism, of course; but also, and perhaps more insidiously, fear of the uncontrollable speed of change, fear of the loss of employment, fear of losing ground to others in an increasingly unequal distribution of resources, the fear of losing control of the circumstances and routines of one’s daily life. And, perhaps above all, fear that it is not just we who can no longer shape our lives, but that those in authority have lost control as well, to forces beyond their reach.” The danger foreseen by Judt is already a reality: “Our contemporary cult of untrammelled economic freedom, combined with a heightened sense of fear and insecurity, is leading to reduced social provision and minimal economic regulation; but these are accompanied by ever-extending governmental oversight of communication, movement, and opinion. “Chinese” capitalism, as it were. He concludes by arguing for the importance of recent history in an age of oblivion: “We think we have learned enough of the past to know that many of the old answers don’t work, and that may be true. But what the past can truly help us understand is the perennial complexity of the questions.” The imbalance in the world has intensified in recent years as a consequence of an inhuman economic policy that has sacrificed millions of lives to the establishment of totally outmoded systems of exploitation. That is why, in this time of grave economic crisis, it is even more surprising that military spending has sharply increased, reaching the astronomic figure of more than 1,700 billion U.S. dollars, serving only to fuel and prolong the numerous armed conflicts which currently rage in the East and the West, many of them still unresolved and unlikely to be resolved in the near future. Sadly, this proliferation of long-term conflicts (in Afghanistan, Iraq, Chechnya, Palestine and Africa), as well as more recent conflicts (Syria) and the so-called “irregular” guerrilla wars (in Latin America) and various forms of terrorism have so far claimed thousands upon thousands of innocent victims and more than 33 million displaced people throughout the world. As Erasmus observed in 1517, “war almost always takes its heaviest toll on those who have no part in it.” Twenty years after failing to prevent the systematic destruction of Sarajevo and the massacre of thousands of innocent Bosnians, the same human callousness and absolute impotence of the world’s great nations are doing nothing to stop the martyrdom of the Syrian people. Absolute evil is always that which man inflicts on man, and it is a universal fact that concerns all humanity. Hannah Arendt was perhaps the first to recognize it when she wrote in 1945: “the problem of evil will be the fundamental question facing intellectual life in Europe after the war.” Can art, music and beauty save mankind from that evil? In Dostoevski’s novel The Idiot, an atheist called Hippolite asks Prince Myshkin, “Is it true, Prince, that you once said that “beauty” would save the world?” And he then goes on, “Gentlemen,” addressing the whole company, “the prince contends that beauty will save the world […] What kind of beauty is it that will save the world? […] Myshkin stared at him in silence.” The prince has no answer, but, like Antoni Tàpies, we believe in an art that is useful to society, an art that through beauty, grace, emotion and spirituality, can have the power to transform us and make us become more sensitive and plus altruistic.
“I have learnt to love you
late, Beauty, at once so ancient and so new!
You were within me, and I was
in the world outside myself and that is where I searched for you, and,
disfigured as I was, I fell upon the lovely things of your creation! You cried aloud to me; you broke my barrier of deafness. You shone upon me; your radiance enveloped me and you put my blindness to flight. You shed your fragrance about me, I drew breath and now I gasp for your sweet odour; I tasted you, and now I hunger and thirst for you. You touched me, and I am inflamed with love of your peace.” Augustine of Hippo (354-430) Confessions, 10, 27 Trans. R. S. Pine-Coffin JORDI SAVALL
Translated by Jacqueline Minett
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