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Johann Sebastian Bach
(1685-1750) a édifié durant les dernières années de sa vie le monumental
corpus musical que l’on peut considérer comme son « Testament » dans lequel
on peut inclure l’Offrande Musicale, l’Art de la Fugue et la Messe en Si
mineur. Cette dernière œuvre synthétise à la perfection tout le savoir, le
talent dans l’art de la composition (et essentiellement dans le contrepoint)
ainsi que la capacité inventive de ce musicien, son sens extraordinaire de
la forme, de la structure et du nombre. Dans cet enregistrement « live », nous présentons notre version de la Messe en Si mineur telle qu’elle a été interprétée le 19 juillet 2011 dans le cadre du VIe Festival de Fontfroide 2011, et suite au travail réalisé dans la phase finale de perfectionnement de la IIe Académie de Recherche et d’Interprétation. Cette oeuvre est considérée comme l’une des utopies musicales les plus remarquables : une messe catholique composée par un luthérien qui ne peut s’inscrire dans aucune des liturgies de ces deux croyances mais demeure l’une des œuvres majeures de tous les temps.
Pour cette interprétation, une académie a
été constituée. Ont été sélectionnés à partir d’une convocation publique et
ouverte à tous, 27 jeunes musiciens provenant d’Allemagne (2), de Belgique
(1), du Venezuela (1), de Catalogne (8), d’Espagne (4), de France (2)
d’Israël (1), d’Italie (3), du Japon (1), de Norvège (2), de Pologne (1) et
des Pays Bas (1). Ensemble ils constituent le groupe des solistes, le «
Choeur favori » et le « Grand chœur » de La Capella Reial de Catalunya,
ainsi que les solistes instrumentaux de l’orchestre sur instruments
d’époque, Le Concert des Nations. Cette oeuvre a emprunté un chemin aussi laborieux que spectaculaire pour arriver jusqu’à nous. D’abord, une première interprétation partielle a eu lieu en 1786. Puis le Credo dirigé par le second des fils de Bach, Carl Philipp Emanuel fit l’objet d’un concert. La première interprétation complète fut dirigée par Carl Friedrich Zelter en 1811, à l’Académie du Chant de Berlin. Les interprétations actuelles – avec grands choeurs, orchestre symphonique ou avec choeur de chambre et orchestre sur instruments d’époque, sans oublier les versions « minimalistes » (avec 10 chanteurs maximum) – sont nombreuses. Deux dénominateurs leur sont communs : la reconnaissance universelle de son caractère exceptionnel, de sa beauté, de sa dimension spirituelle et le défi d’affronter sa grande complexité, allié à la difficulté que cela représente – encore aujourd’hui en ce début de XXIe siècle –.
L’aboutissement de notre projet de Messe en
si mineur avec La Capella Reial de Catalunya et Le Concert des Nations s’est
fondé sur une nouvelle approche des différents critères fondamentaux
relatifs à la conception, l’organisation et l’interprétation tant de
l’oeuvre en elle-même que des moyens nécessaires à sa réalisation. Situant
la Messe dans son contexte de tradition et d’histoire, nous avons décidé
d’utiliser une équipe vocale et instrumentale propre selon ce que nous
croyons être requis par la partition, la pratique et le style de l’époque
(en renonçant simplement aux voix blanches).
1. Un ensemble de voix de 27 jeunes
chanteurs professionnels qui se répartissent les responsabilités pour les
airs, les quatuors et les quintettes « a soli » (choeur favori) et forment
les grands ensembles (grand choeur).
Reconsidérant la distribution et la
participation des effectifs vocaux selon les nécessités réelles de la
composition et suivant la tradition des oeuvres antérieures à Bach, comme
celles de Schütz, Biber ou Rosenmüller, nous avons repris l’utilisation du «
choeur favori » (de 4 à 10 voix solistes) en opposition à celui de la «
chapelle » (un ensemble de 21 à 27 voix formant le « grand chœur »). Selon
la préface de Schütz à son oeuvre polychorale « Les Psaumes de David (1619)
», le « choeur favori » doit toujours être accompagné de la basse continue
(orgue) tandis que la « chapelle » est soutenue par les instruments « colla
parte » et réunit toutes les voix pour obtenir un ensemble contrasté.
D’après ce critère, dans la Messe en Si mineur le « choeur favori »
intervient chaque fois que l’accompagnement instrumental des voix est réduit
à deux flûtes, cordes et violons (Qui tollis, Et incarnatus, début du Credo)
ou à une simple basse continue (Confiteor), tandis que l’orchestre
intervient avec tout son effectif ou double les voix « colla parte »,
lorsqu’il accompagne toutes les voix chantantes (« chœur favori » et « grand
chœur » ensemble). De cette manière, l’équilibre entre les voix et les
instruments est beaucoup plus subtil et les contrastes entre moments intimes
et moments jubilatoires sont plus marqués.
Un autre aspect fondamental dans
l’interprétation est la déclamation et l’articulation du texte qui est en
même temps l’inspirateur de tout le phrasé et des articulations
instrumentales. Dans une perspective réaliste nous avons opté pour une
prononciation du latin partant d’une idée de synthèse : base germanique et
détails de connaissance du latin romain ancien (un son pouvant être réalisé
par un chanteur cultivé de langue allemande, avec l’accent propre à sa
langue dans les voyelles – très difficile à changer – mais qui connaît les
différences de la prononciation latine dans les consonnes). Aborder la messe en Si mineur est un véritable défi pour tout interprète car l’immense dimension spirituelle et esthétique de cette oeuvre et son parfait équilibre entre virtuosité, émotion, pureté et éloquence atteignent des niveaux de langage musical extrêmes qui la situent dans la dimension la plus élevée comme la plus universelle jamais atteinte par l’homme. Cette œuvre résume le savoir de toute une vie, dans laquelle le passé (stile antico) et le présent (barocco et galante) se combinent pour faire entrevoir le futur d’un langage musical véritablement universel et transcendant.
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ENGLISH VERSION In this live recording we offer our version of the Mass in B minor, as it was performed on 19th July, 2011, as part of the 6th Festival of Fontfroide 2011, after the final touches had been made to our interpretation during the 2nd Academy of Research and Performance. Considered to be one of the most remarkable of all musical utopias, it is a Catholic Mass written by a Lutheran composer, which cannot be fitted into the liturgies of either the catholic or the Protestant tradition, and yet it remains one of the great masterpieces of all time. An academy was specially formed for this performance. The members were selected by open public competition: 27 young musicians from Germany (2), Belgium (1), Venezuela (1), Catalonia (8), Spain (4), France (2) Israel (1), Italy (3), Japan (1), Norway (2), Poland (1) and Holland (1). Together they constitute the Soloists, the Choeur favori and the Grand choeur of La Capella Reial de Catalunya, as well as the instrumental soloists of the orchestra using period instruments, Le Concert des Nations. The story of the B minor Mass’s progress from its origins until the present day is at once tortuous and spectacular. A first partial performance took place in 1786. Then the Credo was performed in a concert version under the direction of Bach’s second son, Carl Philipp Emanuel; but the first complete performance was not until 1811, when it was conducted by Carl Friedrich Zelter at the Sing-Akademie zu Berlin. Modern-day performances, involving large choirs, a symphony orchestra or chamber choir and orchestra using period instruments, without forgetting the “minimalist” versions (with a maximum of 10 singers), are legion; but they all have two common denominators: a universal recognition of the work’s exceptional nature, its beauty and its spiritual dimension, as well as the challenge that is still posed today, at the beginning of the 21st century, by the work’s enormous complexity and difficulty. The result of our Mass in B minor project with La Capella Reial de Catalunya and Le Concert des Nations is grounded in a new approach to various fundamental criteria relating both to the conception, organisation and interpretation of the work itself, and the means necessary for its performance. Considering the Mass in its traditional and historical context, we decided to use a distinctive vocal and instrumental line-up based on our understanding of what was required by the score, as well as the practice and style of the period (rather than simply using high-pitched voices): 1. A vocal ensemble of 27 young professional singers who share responsibility for the “a soli” arias, quartets and quintets (choeur favori), as well as constituting the large ensembles (grand choeur). 2. An ensemble of period instruments according to Bach’s specifications: 12 wind instruments and 13 bowed instruments. An organo di legno provides the bass continuo, or thorough-bass, which, according to Bach’s aesthetics, “is the most perfect foundation of music”, “the ultimate purpose of music being the glory of God and the delectation of the spirit.” Reconsidering the distribution and role of the vocalists according to the real needs of the composition, and following the tradition of works before Bach, such as those by Schütz, Biber and Rosenmüller, we returned to the use of the choeur favori (from 4 to 10 solo voices) as opposed to the chapelle (an ensemble of 21 to 27 voices forming the grand chœur). According to Schütz’s preface to his polychoral The Psalms of David (1619), the choeur favori should always be accompanied by the bass continuo (organ), whereas the “chapelle” is sustained by the instruments colla parte, (with the soloist) and brings together all the voices, resulting in a highly contrasting ensemble. Following these criteria, in the Mass in B minor the choeur favori intervenes whenever the instrumental accompaniment to the voices is confined to flutes, strings and violins (Qui tollis, Et incarnatus, the beginning of the Credo) or a simple bass continuo (Confiteor), while the full orchestra intervenes or doubles the solo voices when it accompanies all the singing voices (chœur favori and grand chœur combined). A much more subtle balance is thus achieved between voices and instruments, and the contrasts between the intimate and the exhilarating moments are more pronounced. Another fundamental aspect in the performance is the declamation and articulation of the text, which in turn inspires all the instrumental phrasing and articulations. Adopting a realistic perspective, we opted for a Latin pronunciation based on the principle of synthesis: basically Germanic, but with an awareness of Classical Roman Latin (a sound that could be produced by a seasoned German-language singer, with an accent reflecting German vowels – which are very difficult to change – but taking into account the differences in the Latin pronunciation of the consonants). The B minor Mass is a true challenge for any musician because of the work’s immense spiritual and aesthetic dimension, and also because its perfect balance between virtuosity, emotion, purity and eloquence scales such giddy heights of musical language that it attains to the highest and most universal expression ever achieved by man. The work distils the wisdom of an entire lifetime, combining past (stile antico) and present (barocco and galante) to offer us an insight into the future of a musical language that is truly universal and transcendent.JORDI SAVALL
Translated by Jacqueline Minet
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