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Diapason # 696 (01 /2021)
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Analyste: Loïc Chahine

En 1993, Jordi Savall et son Concert des Nations gravaient des extraits orchestraux d'Alcyone. Le projet longtemps caressé par le chef d'une renaissance scénique n'a vu le jour qu'en 2017 à l'Opéra-Comique. Cette production, en voici l'écho, capté sur le vif. Si partout figure 1706, année de la création de cette tragédie en un prologue et cinq actes, le spectacle intègre des ajouts ultérieurs, jusqu'à des morceaux de la version de 1741, treize ans après la mort du compositeur.

« Pour la constitution de l'orchestre», écrit Savall, « j'ai suivi les indications d'époque quant aux timbres instrumentaux, dans un effectif légèrement inférieur à celui de l’Académie » royale de musique. Légèrement inférieur ? Six « violons ! » au lieu de douze, trois basses au lieu de huit, un seul basson au lieu de trois.

Et que dire de ces « violons Il » à la place des hautes-contre de violon, qui devraient être de petits altos ? des basses de viole au lieu des quintes (grands altos) ? La musicologie, assurément, n'est pas à la fête ici. Pas plus que l'équilibre flottant entre dessus et basse, que la prise de son, trafiquée, n'aide guère.

Dès l'Ouverture le ton est donné: une majesté surjouée jusqu'à la lourdeur, avec percussions dans la partie lente et continuo surexcité dans le vif qui suit... Pour Savall, la caractérisation des danses passe d'abord par un jeu sur l'instrumentarium, et à plusieurs reprises par le gavage à coups de percussions (deux exécutants ici, contre un seul au XVIIIe siècle). La Chaconne finale ne donne pas à entendre un orchestre, mais une organisation de groupes solistes. Et pourquoi diable changer de tempo entre les menuets du prologue ? Pourquoi ralentir le deuxième passepied enchaîné au premier ? Et cette guitare très en avant dans la Marche pour les matelots à l'acte III ? L'invocation des enfers, au II, se contente de produire du gros son et manque tout-à-fait de mystère. La conception globale semble privilégier une esthétique de la routine entrecoupée d'éclats furtifs. Bien des récitatifs sont menés avec lenteur, quand d'autres sombrent dans l'expressionnisme. Aucun protagoniste n'échappe à cette cyclothymie assez pénible sur la longueur.

Ce qui passe à la scène devient volontiers déplaisant au disque. Tel le Pélée de Marc Mauillon, régulièrement en mal de couleur et de justesse. S'il est davantage à son aise dans les récitatifs, son monologue au début du III montre les limites de la tessiture autant que de l'expression, bien monotone. Lisandro Abadie, plus noble de chant, n'affiche pas un français impeccable. Inégal, Cyril Auvity semble souvent mis en danger par la tessiture de Céyx. Son monologue « Dieux cruels », tout en tension, n'a guère un caractère élégiaque. Choix de mise en scène ? La douceur lui va pourtant si bien (le dialogue avec Alcyone au III).

Et côté dames ? Dans le rôle-titre, Léa Desandre, forte d'un timbre séduisant et d'une articulation impeccable, se révèle touchante (« Amour, cruel amour »), mais aussi agace par ses minauderies et son chant peu extraverti. Parmi les petits rôles, signalons Hasnaa Bennani, pleine de charme.

Ajoutons un chœur généralement flou et lointain, imprécis et malingre – même le simple « Éprouve notre ardeur fidèle » au II, le trouve à la peine. Quelques jolis détails (le début du IV, par exemple) ne sauvent pas un tableau guère reluisant, qui dure près de trois heures.


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